samedi 7 septembre 2013

Etrange Festival 2013 - Deuxième journée

C'est toujours le deuxième jour que ça se corse. Le cinéma est une drogue comme les autres, quand on augmente les doses on est encore plus défoncé mais on frôle aussi l'overdose. Après une calme matinée à rédiger un petit billet sur Leviathan, je suis reparti pour quatre rounds bien serrés. Du Danemark des années 2010 à l'Italie des années 70 en passant par l'Indonésie et les States, petit tour d'horizon de cette journée n°2. 

On ne cesse de multiplier les poncifs et les expressions toute faites pour parler des films venant des pays scandinaves. Du "polar venu du froid" au "thriller nordique", on décline à vau-l'eau ce genre de périphrases que l'on consacre immédiatement comme un genre en soit. Northwest s'installe donc sans sourciller dans cette classe et en décline - aussi - tout l'attirail. Un début à la Ken Loach, dans une veine sociale qui fait la part belle à la situation familiale délicate de Casper (le héros, pas le fantôme), mère qui travail de nuit, absence de figure paternelle, aîné qui s'occupe de ses cadets et qui doit ramener de l'argent pour aider sa mère... Puis tout dérape, le gamin se laisse emporter dans des traquenards qui le dépassent. Pire, il embarque son jeune frère avec lui. C'est l'escalade, jusqu'au dérapage, bien entendu. Quoi de neuf sous le soleil de Copenhague que Winding Refn n'ai pas déjà visité dans Pusher, que le suédois Daniel Espinoza n'ai pas traité dans Easy Money, ou que l'on n'ai pas déjà vu dans le Black's Game présenté l'an dernier à l'EF par l'islandais Oskar Thor Axelsson ? 

Moins borderline que le premier, moins clinquant que le second et moins fun que le troisième, Northwest affiche un premier degré tout à fait louable, qui le porte effectivement plus vers ses confrères anglo-saxons que scandinaves. Toutefois, sa narration linéaire laisse peu d'espace pour les variations de rythme et si l'on suit sans déplaisir ce film tout à fait correct, on peine à lui trouver quelque chose de remarquable. Certains s'extasieront peut-être devant sa fin ouverte, mais on a tout de même l'impression que, moins qu'un coup de force, c'est plutôt là un aveu de faiblesse... Un film honnête mais qui manque clairement d'ampleur. 

On reste en salle 300 pour Starcrash, un monument du nanar intersidéral de la fin des années 70. Pondu un an après Star Wars, Starcrash singe grossièrement le premier épisode de la saga de Lucas et propose une excursion spatiale des plus grotesques mais des plus jubilatoires. Au casting de cette improbable production italienne tournée dans les studios Cinecitta, une Caroline Munro qui n'a pas encore tournée dans Maniac ; Joe Spinell, son futur tortionnaire dans celui-ci, qui campe un Zarth Arn (à vos souhaits) au look méphistophélien sous amphétamine ; un David Hasselhoff qui n'a pas encore arpenté en long en large et en travers les plages de Malibu mais qui arbore une remarquable choucroute seventies ; l'incroyable Marjoe Gortner, dont le sourire niais et le personnage WTF de Akton sont entrés dans la légende du cinéma bis ; et, pour couronner le tout, l'ubuesque prestation de Christopher Plummer (venu tourner une journée sur les quatre mois de tournage selon Caroline Munro) qui clôt magnifiquement le film, dans un monologue sans fond, d'un abyssal désespoir d'acteur qui ne sait pas ce qu'il fout là. En somme, Starcrash est une légende. C'est le genre de films qu'on va voir un carnet à la main pour noter toutes les aberrations qu'il peut comporter et en rire encore, et encore. 

C'est l'heure de la pause déjeuner. On m'annonce qu'il y a de l'orage dehors et on s'étonne que je porte des tongs par ce temps. Je réponds qu'il est difficile de se rendre compte du temps qu'il fait quand on passe 8h d'affilée dans un cinéma et que de toute manière, il ne pleuvra pas quand je sortirai, à minuit. Parce que c'est bien connu, à minuit, il ne pleut jamais. Guillaume me donne un premier retour de Belenggu, film philippin que je vais voir plus tard la semaine prochaine. Apparemment c'est pas terrible... Ca fait chier. Je retrouve Selma. C'est, comme elle le dit elle-même, son "dépucellage" d'Etrange Festival. 

Quoi de mieux pour devenir une festivalière heureuse que d'ouvrir son compteur avec le dernier Quentin Dupieux, présenté en avant première ? Rien. Vraiment, y a rien. Car Wrong Cops, c'est la crème de la crème. Dupieux confirme tout le bien que l'on pensait de lui après le semi échec de Wrong. Et il faut dire qu'il s'est lâché et a corrigé quelques trucs qui ne fonctionnaient pas. Par exemple, la multiplication des personnages est ici salutaires : elle permet de croiser plus d'intrigues, de créer plus de situations à enjeu (ou à non-enjeu, c'est selon), de déplacer les frontières de l'absurde de l'individuel au groupe. Si bien que dans le film de Dupieux, personne n'apparaît normal si ce ne sont ceux que l'on s'attend à voir dans des situation incongrues. On pense au personnage de Marilyn Manson, génial en gamin introverti traumatisé par un Mark Burnham surexcité alors qu'il ne voulait qu'écouter sa musique tranquille au pied de son arbre. Quel dommage de l'avoir d'ailleurs tant coupé au montage, comme Grace Zabriskie d'ailleurs. 

Mais quel bonheur aussi de retrouver Ray Wise, acteur trop rare, dans un petit rôle très comique, ou encore Eric Roberts qu'on a plus l'habitude de voir dans des nanars et qui, pour le coup, joue quelque chose qui doit assez ressembler à sa vie... Wrong Cops retrouve la dimension métafilmique que l'on distinguait déjà dans Rubber, Dupieux déplaçant la question sur le DJing (Eric Judor joue un flic qui rêve de devenir DJ) et le rôle de la musique dans notre enfer terrestre. Il garde toujours cette veine décalée, aux dialogues géniaux et parfaitement calibrés. On lui reprochera toutefois un montage parfois dommageable (notamment dans les flashbacks) et une image quelque peu bâclée, qui fait un peu crasse quand on se souvient de la sublime photo de Rubber... M'enfin, Wrong Cops s'annonce comme instantanément culte. Difficile de regarder une biche dans les yeux après ça. 

La soirée s'achève presque. Selma part à un barbecue, Guillaume rentre dans le 77. Demain c'est son anniversaire. Peut-être le fêtera-t-on à l'Etrange ! Sophie débarque. Quel courage d'enchainer avec une séance à 22h après une journée de boulot... Surtout pour venir voir V/H/S 2 ! Voilà une étrangeté, une vraie. Je ne m'attendais pas, personnellement à ce qu'un tel film s'annonce en compétition à l'EF. De fait, je n'ai pas vu le premier et c'est, là encore, par pure vanité comptable que je l'ai ajouté à ma liste. Qu'en dire ? Comme le précédent volume, V/H/S 2 se propose d'explorer les potentialités horrifiques qu'offre ce média désormais disparu qu'était la cassette vidéo. Quatre courts métrages reliés par un cinquième tentent donc, dans des genres très différents qui vont du film de fantômes aux zombies en passant par les sectes et les extraterrestres, de prouver aujourd'hui, que la cassette, ça peut toujours faire peur. 

Il va sans dire que l'entreprise est ici assez médiocrement exécutée tant les sketchs sont inégaux. Le premier film donne quelques rapides frissons mais est d'une indigence flagrante. Le film de zombies est, n'en déplaise à Mélanie, d'un ennui mortel. L'idée d'adopter le point de vue zombie avec la caméra fixée sur la tête était pourtant une idée réjouissante... Le film de secte est certainement le plus jubilatoire. Convoquant Rosemary's Baby de Polanski, son réalisateur, Timo Tjahjanto, lâche quelques fulgurances bien dégueulasses. Son court a pourtant du mal à se lancer, et on redoute un nouvel échec, mais lorsque la machine s'emballe, elle ne s'arrête plus. Plus du tout. Quitte à en devenir grotesque (quand le Diable, qui ressemble à une grosse chèvre en peluche, vous dit "Papa", vous le prenez au sérieux vous ?). Le quatrième est tout bonnement insupportable : sa caméra posé sur un putain de chien nous en fait voir de toutes les couleurs, le réal abusant à l'envie de fumigènes rouges et de gros effets sonores pour mieux dissimuler la platitude et la vacuité de sa réalisation. Au final, tout ce que démontre ce V/H/S 2, ce n'est pas l'actualité horrifique de la vhs, mais bien celle des nouvelles technologies, celles du montage notamment, capable de dissimuler à la perfection les coupes dans le plan et les effets spéciaux. 

Une fausse note pour terminer la journée donc, mais le soleil de Wrong Cops va encore briller quelques jours et faire certainement oublier quelques ratés. Demain on repart à l'attaque. Déménagement le matin et puis ce sera l'apocalypse : The Agent pour commencer (parce qu'il faut bien le voir ce film d'ouverture), le manga Blood-C, une pépite perdue, La tour des 7 bossus, le successeur d'Iron Sky en la personne de Frankenstein's Army puis, parce que je suis un warrior, un vrai, la nuit Bad Girls... C'est dimanche que ça va être dur... 


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