dimanche 28 octobre 2012

God Bless America de Bob Goldthwait

En attendant décembre, mois qui verra sortir Ernest et Célestine, Un jour de chance d'Alex de la Iglesia, le remake de Maniac ou encore le dernier film de Ben Wheatley, tous présentés à l'Etrange Festival, penchons nous sur God Bless America, présenté comme une petite bombe venue secouer la bien puritaine Amérique ! 

Le quatrième film de Bobcat Goldthwait narre la morne existence de Frank qui subit de toute part des vagues de médiocrité de plus en plus insupportables. Ses voisins sont des ploucs sans vergogne qui lui mènent la vie dure, ses collègues ne jurent que par les émissions de téléréalité, sa fille est une petite peste, la télé et la radio semblent se lier contre lui pour l'abrutir avec des émissions débilitantes. Bref, alors qu'il vient de se faire licencier et qu'il apprend qu'il a un cancer, Frank décide de donner un nouveau sens à sa vie : il va faire le ménage dans ce monde de bêtise. Il est rejoint par une jeune lycéenne, Roxy, avec qui il va sillonner les Etats-Unis, un flingue à la main. 

Aux vues des chiffres confidentiels du film sur le territoire américain (moins de 123 000$ de recettes), on pouvait imaginer deux choses : soit que le film était effectivement le brûlot qu'il voudrait être, enragé et borderline, soit qu'il était un four. Sa courte distribution (15 salles au maximum), ne l'a pas aidé à s'extirper d'un marché qui laisse peu de place à la dissidence. Il faut dire aussi que Goldthwait n'est pas vraiment un génie... Il est quand même connu pour avoir foiré une comédie à la con avec Robin Williams (genre et acteur rois aux USA), The World's Greatest Dad, qui aura rapporté moins de 300 000$ en 2009, chose qui n'était pas arrivé à l'acteur depuis un obscur film réalisé par David Duchovny en 2005. Bref, faute d'avoir un réalisateur de talent et bankable encore eut-il fallu aussi que God Bless America soit véritablement dissident... 

La première partie du film fait un tableau au vitriole de l'état de l'Amérique contemporaine. L'exercice se borne très vite à cela, un pastiche cynique et bientôt nihiliste de la téléréalité, de la disparition de l'autorité chère à Arendt, du choc des générations et des couches sociales. Un homme, seul contre la bêtise de tous, l'avidité de chacun. Un homme seul avec ses lambeaux de culture et son refus de la déchéance. Il broie du noir, et nous avec. Goldthwait se fait apôtre décliniste et présente dans un fatras fun, la chute de l'Occident dans toutes ses largesses. Le film est parfois juste, mais tire avec force sur des évidences. Ainsi, au lieu de s'attaquer aux mécanismes de la télévision-spectacle, Goldthwait descend ses conséquences, l'envie d'être vu, l'existence par l'image, la notoriété dépourvue de remarquable. C'est facile, parfois efficace, rarement futé. 

Outre ses facilités, le film pêche dans la théorie même. Car derrière sa bannière sur laquelle serait inscrit "J'en ai ma claque de toute votre merde, rebellons-nous et changeons les choses !" se cache un vulgaire mouchoir couvert de morve. Rien de révolutionnaire ici, sauf d'un point de vu copernicien. Le personnage de Frank, décliniste révolté fonde son insurrection sur des images d’Épinal : il est persuadé que l'Amérique d'autrefois avait des valeurs et que celles-ci se sont perdues en chemin. Pas de remise en cause du système, pas d'envie de changement profond, juste un adipeux sentiment de nostalgie que ne renierait pas Eric Zemmour, celui de l'incompréhensible "c'était mieux avant". Toute cette boucherie donc pour en revenir à un état soit disant préexistant mais en réalité bien imaginaire dans lequel on se dit qu'on vivait mieux, que les gens avaient plus de morale, avaient plus d'esprit, de culture... Fichtre, tous ces clins d'oeil surfaits à Bonnie & Clyde, toute cette vitreuse distanciation avec Juno, toute cette vieille tension pédophile, toutes ces justifications dont le film n'arrive pas à se défaire, pour ça... Et bah... 

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