mardi 24 juillet 2012

LEGO FEET - Ska001LP

Skam va creuser dans les archives pour proposer de l'excitant, et re-publie les  premiers faits d'arme d'Autechre. Enfin ce qui est censé être Autechre puisque visiblement, l'identité réelle de Lego feet n'a jamais été totalement confirmée. Et la photo allant avec le sobre emballage de cette nouvelle version ne va pas aider à identifier les types, même si le matos vintage et les vinyles posés derrière semblent coller avec la légende Autechre :  synthés Casio, Roland, LP de Meat Beat Manifesto. On sait d'ailleurs que Dangers a traumatisé nombre de ses confrères anglais à la fin des années 80, Booth & Brown n'échappant pas à la règle, payant leur tribu jusqu'a récemment encore lorsqu'ils calaient Radio Babylon au milieu d'un mix pour Fact. Dans la forme ce seul enregistrement de Lego feet version 2012 se rapproche assez du premier MBM : 4 faces explorant ce qui semble être un morceau par face (c'est beaucoup plus distinct que ça en fait) tout comme Storm The Studio. Ce n'est pourtant pas la forme originale de ce disque, puisque Skam en dépoussiérant les bandes double la mise : l'idée est donc de proposer une version moderne d'un disque s'échangeant à prix d'or sur le net (jusqu'à 300£ )tout en l'augmentant de 2 morceaux (sur 4). On reste juste un peu sceptique sur la chronologie revendiquée du truc : Lego Feet serait une incarnation proto-Ae, mais la musique ressemble bien plus à ce qui sera ensuite produit pour Amber ou Incunabula que ce qu'Autechre avait déjà enregistré pour Cavity Job. Dans la dernière ligne droite avant ses premiers albums, le duo s'écartait donc de son incarnation première pour y concocter dans son antichambre le modèle de ses travaux. Compliqué - et peut-être que le disque se rapprochant le plus de ce Lego Feet est d'ailleurs le dernier album/double maxi de Gescom. Et cette première sortie historique pour Skam n'est pas exactement le mix entre les plages hardcore de Cavity Job et le climat glacial d'Amber. Lego Feet ressemble à une ébauche bien cultivé de la discographie à venir, une électro qui regarde encore méchamment dans ses bacs à disques hip hop (cf. le logo, déjà) pour s'inspirer mais en évitant le beat ultra dense des raves crades afin de privilégier les aplats de nappes digitales et les beats mécaniques de cliquetis numériques. Une collection de 4 morceaux comme autant de variations stylistique encore disciplinée mais inspirée.

vendredi 13 juillet 2012

EL-P - Cancer 4 Cure

Jaime fonce, toujours fier, les lunettes bien chaussées sur son groin, la casquette toujours posé avec nonchalance et élégance toute New Yorkaise, inclinée, sur le point de chuter. Le mec le sait, il en a un peu chié pour retrouver la magie de son Cold Vein quand il a fait croire à ce type d'Atlanta qu'il allait pouvoir lui produire correctement son disque. C'était un mensonge. Parce que Jaime est un mec malin, il a gardé ses meilleurs recettes pour ses propres publications. Sur sa voiture volante avec les jantes parallèles au bitume, il fend l'air, secouant la tête en se passant un vieux disque de Mantronix. Puis il veut faire le point et s'enquille ses derniers beats, fraichement agrémenté de ses enregistrements vocaux, réalisés avec son armée de nouveaux potes, notamment ce type d'Atlanta qu'il a entubé. Il reçoit un coup de fil d'Aesop Rock juste avant d'enfourner le CD dans le lecteur de son véhicule mais ne décroche pas: après tout, il est en train de conduire. Déjà que ça le fait souffrir de prendre les appels de son pote Justin, il ne va quand même pas commencer à causer à tous ses frères qui ont décidé de raccrocher quelques temps avant de remettre ça. Merde. Melline grille un feu: il avait oublié la beigne qu'il pose dès le début du disque, avec son entrée presque big beat (de quoi ??) genre guerre-feu-village après avoir caler le "storm the studio" qu'il avait entendu chez Dangers. Il est fier et il a de quoi. Il se dit qu'aucun groupe de rock, même ses potes de Mars Volta ne sont capable de poser une intro de disque aussi efficace aujourd'hui. D'ailleurs il a demandé au mec qui tapait sur les claviers, fraichement libéré de la folie du duo Rodriguez/Bixler-Zavala de faire un petit truc vers la fin de son morceau. Il aimerait se jeter des fleurs mais ça risque d'en foutre plein la banquette arrière. Il sait que si des flics le voient passer à cette vitesse dans ce coin, son permis saute. Mais il s'enflamme, content de son travail qui hurle dans la sono de son bolide. Il se surprend tout de même a avoir viré toute forme de subtilité qu'il avait encore pu laisser trainer çà et là. Il arrive à son 8ème morceau, l'impression que sa voiture volante est désormais un vaisseau que rien n'arrête, capable de traverser toutes les galaxies connues en 49 minutes et 12 secondes. Les kicks sont tellement nerveux qu'il commence à sentir la fatigue dans ses oreilles. Heureusement, il sait que vers la fin, il a invité un pote à couiner, genre "comme une pause". Il a déjà joué ce morceau avec ses potes sur un plateau télé et le résultat est sans appel: depuis qu'il ne fabrique plus tout ça avec son seul séquenceur, ses prestations ont l'air d'un truc hyper chiadé et orchestré. Oui, avec ses prods un rien fatigante, de boom boom écrasant et de synthé de l'espace,  tous ses potes qui font semblant de jouer un intrument, El-P a finalement réussi ce truc qu'il avait entreprit il y a déjà 10 ans avec "Fan Dam": faire du rock sans en avoir l'air. Sauf que Jaime redescend. Il n'est sur aucune autoroute galactique,  il est dans sa chambre et ce truc qui fume dans sa main est légèrement trop puissant pour lui.

jeudi 12 juillet 2012

COMITY - The journey is over now

J'ai jamais saisi pourquoi Comity générait deux types de réactions aussi distincts- soit les gens adorent, soit les gens méprisent la formation parisienne. Que le mec qui n'écoute pas ce genre de bruits orchestrés ne soit pas sensible aux compositions des gars, je peux comprendre. Mais des types qui s'ingurgitent du Neurosis en boucle, du Thou, du Dillinger sans se rendre compte qu'ils sont pris pour des idiots ("hey mec, j'ai changé une note sur un vieux morceau, on en fait un album ?") et s'offrent le luxe de mépriser Comity, oui, il y a un truc qui m'échappe. Pour une simple et bonne raison: Comity est un des rares groupes à avoir, tout simplement, des idées. Certes, c'est peut-être plus un groupe de musique pour musiciens me rétorquerez vous et vous n'aurez probablement pas tort. Mais quelle tristesse de voir donc un groupe qui s'acharne à créer des choses un peu ambitieuses, avec des références autre que Cioran/Nietzsche/Fight Club, cherchant à stimuler leur auditoire, tel un Kubrick hystérique, gavant sa musique, ses visuels et ses textes de références, d'éléments définitivement à part dans l'univers grosse guitare/crâne/pas content. La preuve absolu c'est que Comity est peut-être le seul groupe français à avoir fait des petits depuis Kickback et avec Blut Aus Nord (sur l'ancien label de ces derniers d'ailleurs).

Alors oui, l'ensemble des chroniques pour ce petit dernier (gatefold LP+CD joliment publié par Throatruiner Rds, activiste passionné, appliqué et dévoué) sont dans l'ensemble plutôt bonnes voir élogieuses. Et à vrai dire c'est justifié. Parce que Comity continue de faire sa bouillasse selon ses propres critères, en évoluant logiquement tout en restant reconnaissables. On remarquera quand même que l'audace du précédent disque s'est légèrement diluée, le groupe revenant vers des développements plus francs, où la tension est peut-être moins vénéneuse. Mais c'est largement contrasté par les quelques nouveautés intégrées dans le gouffre de chaos sonore ambiant. Premier élément, l'apport d'autres voix. Thomas n'est plus seul à gueuler dans le groupe, il se fait épauler par ses guitaristes de camarades. De fait, Comity reste extrêmement verbeux, bavard, et l'apport d'autres voix renforcent cet aspect, en plus d'offrir des voix moins singulières- désolé du rapprochement mais oui, ça me fait davantage songer aux trucs type Hydrahead maintenant comme Old Man Gloom/Zozobra. Puis c'est l'apport d'une guitare slide qui se distingue. Les deux guitaristes sont loin d'être manchots ou de jouer du post-hardcore, remettant en jeux les logiques de l'utilisation de la guitare dans leur domaine. Ils ont par exemple depuis longtemps cessé de miser sur les distortions excessives, préférant des saturations légères, ne mettant plus le son de la guitare au centre de la composition, mais en privilégiant le jeu de celle-ci. Subtile nuance, offrant au son un aspect légèrement blues (non, il n'est pas question d'affiliation avec le blues ici- ça ne joue pas comme Morello mais comme Fripp), renforcé par la slide. Mais ça tricotte toujours bien, riffant avec intelligence: contre temps, question/réponse, pause, arpèges, les 6 cordes sont reines chez Comity et elle sont traitées avec amour. Et puis au milieu du disque, un morceau (finalement court) très calme, mais à la lourdeur palpable, tout en guitares acoustiques, traversé de bruits blancs et de parasites, et impérialement mené par une batterie au son profond et imposant. Pourtant, on se répète, mais Comity demeure ce groupe si caractéristique, on reconnait ses élans pithiatiques, ses cassures délicates. Mais toujours audacieux, aventureux même.

mercredi 11 juillet 2012

JK FLESH - Posthuman

Ici on est pas méchant, ni compliqué. Un peut stupide même. On aime bien quand Broadrick piétine avec vigueur ce qu'il met en place depuis (trop) longtemps avec Jesu, à savoir un truc un peu chialeux, un peu pénible, et revient vers des choses soit totalement morte (Final) soit complètement belliqueuse. Seconde option donc pour ce JK Flesh, album planqué sous le pseudo que Broadrick utilisait au sein de Techno Animal. Et justement, de Techno Animal il est directement question, puisqu'entre le nom du projet et l'origine (visiblement) des esquisses de l'album, c'est bien du temps du duo Flesh/K-Mart qu'il faut revenir. Justin a finalement déterré les démos et idées qu'il avait alors accumulé pour un hypothétique successeur à Brotherhood of the Bomb (ultime album de 2001) probablement pour parfaire la lancée du 12" Seventh Heaven publié l'an dernier et signé Pale Sketcher. Broadrick se remet en solo sur un projet électronique, avec des envies, et celle de se rapprocher du duo qu'il formait avec Martin en évidence. Mêmes lignes de basses distordues et granuleuse, mêmes empilement de couches, mêmes rythmes écrasants, mêmes dissonnances aériennes. Posthuman, le morceau, se lézarde d'arpèges synthétiques progressifs, comme sur les longs développements de Re-Entry. Earthmover ressemble à une chute de Brotherhood of the Bomb, mais la voix n'est pas ici celle d'un prestigieux MC. Broadrick a aussi écouté de la musique depuis tout ce temps, et le dubstep a visiblement eu son impact-lui qui revendique surtout l'amour de la drum'n'bass. Idle Hands se construit sur un beat syncopé typique. Posthuman n'est pas seulement le nouveau disque de Broadrick se rapprochant le plus de TA, mais aussi de Godflesh. La guitare est omniprésente, parfois totalement méconnaissable, enfouie dans le mix. Mais toujours là. D'ailleurs les concerts que Broadrick a donné avec ce projet ressemblent plus à un Godflesh solo qu'autre chose. Si certaines notes, harmoniques et larsens font songer à "Us and them" ou "Pure", le travail tout en ambiances retenues fait aussi écho à la partition de Broadrick sur "Bad Blood" et "Under The Skin" d'Ice. JK Flesh fait office de compilation, tant il fait appel à de nombreux autres projets antérieurs, et propose depuis presque 10 ans le premier album vraiment excitant du bonhomme de bout en bout, en forme de bilan qui peut-être va déboucher sur une suite, si ce n'est sur une nouvelle étape dans la discographie de Broadrick.

jeudi 5 juillet 2012

DEATH GRIPS - The money store

Le trio de Sacto se retrouve dans le même cas que Tyler l'an dernier: coiffé au poteau. Quand Goblin sortait, l'album décevait forcément de par sa longueur excessive et le manque de fraicheur suite à l'album dispo en téléchargement gratuit de l'année d'avant. Mais de l'autre côté, un petit groupe, un trio californien créait la surprise avec une mixtape (enfin en émettant l'hypothèse que ce terme ait encore un sens- on parle ici de mp3) faisant l'unanimité - enfin chez ceux aptes à s'enquiller les beuglements bovins du psychopathe sur samples de hardcore et beats électro simplissimes et teigneux... c'esst à dire pas chez tout le monde non plus. Death Grips donc après avoir surpris tout son monde promet deux albums pour 2012 et le premier des deux à peine sorti que le groupe se prend une volée de bois vert par une large partie de sa potentielle audience. Mais y a quoi en fait sur ce disque ?
Déjà, saluons tout de même les deux coups marketing que Death grips- tout comme Odd Future- ont réussi à imposer: une promo basé sur des clips fait dans le garage avec des budgets dérisoirs, un matraquage web malin et une promo basé sur le bouche à oreille. Death Grips reste fidèle à sa marque de fabrique malgré la signature chez Sony/Epic. Hein ? Epic qu'on pensait crevé depuis Korn publie donc sur une major un projet aussi crade et boiteux que Death Grips - le boss de Sony leur racontant que leur son lui rappelle Witney Houston (pour l'impact). Les trois mecs remixent Björk, sont vénérés par le-webzine-qui-porte-le-même-nom-qu'un-disque -de-Clutch, bref, ils sont partout et bien intégrés dans le jeu. La bonne blague. Bon, on saluera pas l'annulation de leur tournée ce printemps en laissant tout le monde (orga) dans la merde sans explications. Premier véritable album, The Money Store fait suite à Exmilitary, et en est logiquement la continuation. Certains ont remarqué moins de samples, on dira surtout qu'il n'y a pas de samples de rock cette fois. Sinon c'est la suite exact: de l'électronique agressive, qualifié de hip hop qui n'en est franchement pas, mené par un batteur qui ne joue pas de batterie (concept) et surtout incarné par une vitrine beuglante et baveuse, MC Ride. MC est ici donc à considérer dans son sens premier: le mec n'est pas un rappeur, il éructe ses paroles jusqu'à l'essoufflement, plus proche de la performance punk que d'un truc se rapprochant de près ou de loin du rap. On songe plus souvent à GG Allin, à Rollins qu'à Q-Tip (exemple de mauvaise foi). Ou à ODB. A la rigueur. En somme on est dans un hip hop dans le sens Bambataa-esque: on fait avec n'importe quoi. Et c'est exactement ça, au résultat: il se passe n'importe quoi.
Si le disque prend cher, c'est parce qu'à vouloir être usant, il part dans tous les sens, allant chercher les pires idées possibles et imaginables. Hustle Bones joue avec la limite du bon goût en propulsant l'auditeur dans un délire de gabber à la yaourtière, comme si un rescapé de Bum Fight vous hurlait dessus, perdu dans une salle d'arcade un soir de fête en plein Akihabara. Punk Weight joue sur le sample usant de voix pitché, tic et tac nucléaire et hystérique. Mais sur Lost Boys on tombe dans le son pesant de machines aux nappes dégradées et ondulantes. The Fever fait penser à un piège audio dans une rampe de lancement type "rollercoaster", et on arrive à trouver le titre entraînant un peu pute I've Seen Footage plutôt bien branlé avec son aspect un peu crétin et probablement imbibé. Mais que ce soit dans les réussites, les étalages mauvais goût ou dans l'échec totale Death grips arrive à rester toujours dans une urgence qui rend le disque, bien que perpétuellement agressif et débile, toujours concis.

mercredi 4 juillet 2012

KILLER MIKE- R.A.P. music

Oui mais non. Killer Mike est un ancien de la galaxie Outkast, c'est à dire un type d' Atlanta, jusque là assez discret voir anecdotique malgré, visiblement, des prises de bec avec son ancien posse. De là, le type se dégote le meilleur pote possible et imaginable: Jaime Meline, AKA El-P, le valeureux producteur/rappeur/vitrine New Yorkais qu'on a connu bien plus inspiré. Coup sur coup, Jaime assure l'intégralité de la production de ce nouvel album et signe son nouveau LP- Cancer 4 Cure. On avait de quoi s'enthousiasmer: le dernier album dont Meline s'est occupé intégralement (et sur lequel il ne rappe pas, nuance importante) s'appelle The Cold Vein, un des albums les plus importants et réussis du hip hop indépendant, signé Cannibal Ox (on a simplement causé du split avec Co Flow dans ces pages) il y a ... 11 ans, déjà. Manque de chance, Meline ne retrouve pas la superbe de son mythique essai de 2001, et n'a pas su non plus refourguer à Killer Mike la folie, la densité, la créativité des beats qu'il se concocte pour lui en solo. Une douzaine de titres produit sans trop de conviction ni de génie. Efficace, au demeurant, le disque figure en bonne position dans les prévisions type "meilleur disque hip hop de l'année". Mais en fait il n'y a pas grand chose de remarquable ici qui ne soit présent ailleurs et en mieux. Tout sonne laptop, propre, parfois un peu gros- l'artisanat de Cold Vein semble avoir complètement disparu au profit d'une prod bien grasse mais à qui il manque un peu de substance organique, si ce n'est d'âme. Vu que Mike a une voix passe partout et un flow ni excellent ni minable, on remarque à peine ce qu'on entend. Mais c'est vraiment la production, peut-être sur-estimé en amont, qui déçoit. El-P produit comme un Rick Rubin des années 80, avec le génie et la fraicheur en moins. Tous les beats sont électronique, un peu plastique, sans vie, sans groove. Des simulations de 808, 909 et consorts, pas de samples génialement dégotés, pas de coups de génie côté claviers. Au milieu de quelques beats compacteur de cortex, on décèle des tentatives de morceaux plus mélancolique, mais un peu foireux, comme le triste Willie Buck Sherwood qui se chante sans conviction, ou Ghetto Gospel, mélodieux sans y croire. On retiendra tout de même le clip promo, hommage à Drive un peu mongolo et peut-être intentionnellement choquant pour les moins de 8 ans.

mardi 3 juillet 2012

EMPTYSET- Medium

Emptyset a ce truc fascinant, ce parcours singulier qui a vu le duo créer ce que peu avait osé jusque là. Deux types, de Bristol, passionné de dance music (au sens noble) et de bruit. Rares sont les formations à avoir poussé le vice jusqu'au bout, annihilant totalement l'aspect dancefloor de sa musique pour ne laisser subsister au final que le bruit,  après avoir brisé et balayé le potentiel dansant. L'équation a fonctionné parfaitement sur l'excellent Demiurge, un album obsédant, minimal et impeccablement mené de bout en bout. Les deux avaient même eu l'idée de pousser l'affiliation techno jusqu'à inviter Cornelius Harris de l'écurie Underground Resistance venir marmonner des phrases en hommage à Aleister Crowley-pour un morceau magistral. La collision des deux univers avait fonctionné, mais ce Medium laisse un peu perplexe. Le mystique a voulu prendre le dessus sur le reste et on est quelque peu déçu devant le résultat. Pas vraiment de surprise sur les 5 morceaux de ce nouvel EP. Ginzburg et Purgas se sont enfermés dans un manoir anglais pour produire Medium. La démarche s'apparente désormais bien plus à la recherche d'un Sunn O))) qu'à la moindre formation club. Mais si Demiurge  était passionant, il manque à Medium un petit quelque chose, peut-être un peu de surprise pour vraiment être prenant comme son prédécesseur. La première face semble hésiter à démarrer et s'achève bien rapidement. De l'autre côté, on se retrouve en admiration devant Interstice, au kick lent, régulier, lacéré d'ondulations évolutives de bruit blanc, avant de retomber sur un plus traditionnel (si jamais cela pouvait dire quelque chose) Divide. Au milieu de cette démonstration d'orchestration des masses et bruits, le silence semble devenir de plus en plus un élément constituant du son Emptyset-peut être une piste pour la suite, en attendant l'album définitivement drone ou noise.

lundi 2 juillet 2012

BLACK RAIN - Now I'm Just a Number: Soundtracks 1994-95

Le dubstep, quoi qu'on en dise, aura eu au moins un mérite: celui de ramener un peu de méchanceté dans la musique électronique. On l'avait déjà envisagé lorsque Shackleton et son pote Applebim sortaient la dernière compilation Skull Disco, nous remémorant les travaux déviants de quelques artisans sonores belliqueux des années 90. Le lien avec le dubstep, loin et peu évident: une prédominance des basses et des rythmes obsédant refusant pour autant le kick systématique du 4/4. Skull Disco dessinait tranquillement une musique qui regardait sur les côtés, se voulant aussi bien essentielle pour les clubs que pour les diggers en quête d'un héritier de Coil ou ce genre de formation, où le sound design réfléchi pouvait aussi prendre le dessus sur le rythme. En quelques années, c'est toute une frange qui met la déconne, l'autotune ou le fluo de côté qui se manifeste, reprenant le flambeau de Scorn, Autechre, Muslimgauze, Kevin Martin, de Meat Beat Manifesto, de Laswell (inspiré), DJ Spooky, Panacea, Alec Empire, Porter Ricks, Maurizio, des compils Electric Ladyland, de Wordsound, de la musique industrielle qui ne se complaît pas uniquement dans le bruit ou la théâtralité glam du metal. Leurs noms: Demdike Stare, Raime, Vatican Shadow, Andy Stott, Kouhei Matsunaga, Regis, Actress, Shifted, Emptyset, Cut Hands, Shackleton (donc), et des écuries comme Modern Love, Raster Noton (logique), et Blackest Ever Black.
B.E.B. est la maison qui porte sérieusement le plus de projets actuellement excitants, sortant les disques obscurs de Raime ou vatican Shadow (on y reviendra), tenant un tumblr dans la plus grande tradition (c'est à dire une compilation d'images troublantes sans aucuns mots, au milieu d'annonces de soirées et de sorties vinyles) et remettant au goût du jour des sorties avortées et acclamées. Exemple donc avec ce Black Rain, lui aussi nécessitant une présentation. Issu de la foisonnante scène New Yorkaise des années 80 (no wave et consort, les débuts du hip hop...), Stuart Argabright s'écarte de son mythique projet Ike Yard à la fin de ladite décennie pour fonder Death Comet Crew avec Shinichi Shimokawa. Le duo se retrouve quelques temps plus tard autour du projet Black Rain (un quatuor dans un premier temps) pour lequel  ils s'engagent à réaliser la trame sonore du livre Neuromancer et du film Johnny Mnemonic, tous deux issus de l'esprit (fertile) de William Gibson. Seulement, une fois le boulot finit le film avec Keanu Reeves se passe de la partition du duo et les bandes sont oubliés. Défini par le groupe comme de la Biotechno ou du Post-Indus, la musique de Black Rain est glorieusement redécouverte aujourd'hui et trouve logiquement sa place au milieu du catalogue Blackest Ever Black. Lentes progressions rythmique, les morceaux de Black Rain dégagent sans aucune difficulté le climat SF typé année 80-90. Le travail sur les ambiances, le sound design élégant, peuvent faire songer à un Lustmord moins grandiloquent, et qui assume aussi un côté plus humain, notamment dû aux samples de voix lointains, confus. Le disque reste néanmoins très rythmique, comme de longs thèmes où les stridences diffuses se mèlent à un minimalisme sombre, et des percussions obsédantes. On sent cependant que le disque fait son âge: les presets de percussions issus des machines utilisées par le duo ne sonnent pas de première jeunesse et ne bénéficient pas du traitement vintage qui plairait aux obsédé rigoureux du son des vieilles machines analogiques. On est dans l'émulation parfois cheap de percussions traditionnelles, couplé aux beats de BaR- en cohérence avec le thème des travaux, en plein dans le numérique. Reste quand même un disque qui se découvre avec plaisir au milieu des autres sorties du label, et qui vient également donner une certaine idée de paternité à toutes ces formations. Black Rain s'exhibe au bon moment, et Blackest Ever Black publie un objet qui fait honneur au travail du duo.