vendredi 30 décembre 2011

BLACK FACE- S/T 7"

En posant le diamant sur le sillon, on y croit, on en est persuadé: on est en plein milieu d'un disque de 85. Du pur punk ou du pur hardcore de l'époque, les riffs, les sons, et l'immédiateté des paroles ne laissent presque planer aucun doute. C'est la face "I Want To Kill You" qui ne pouvait être écrit que par deux personnes pour pouvoir être prise au sérieux. La première, c'est Rollins qui se serait pas encore engagé ni dans le cinéma ni dans les spoken words ou les émissions de TV. L'autre c'est Eugene Robinson. On est, de fait, en 2011 -pour encore quelques heures- et c'est donc Robinson qui se ferait une joie de te coincer la trogne entre ses jambes pour t'expliquer la moindre subtilité qui pourrait t'échapper. Sur le papier ça ressemble à la meilleure idée de tous les temps: foutre Robinson avec Dukowski pour faire vivre une alternative au Black Flag déchu. Sur disque on se rend surtout compte que ça fonctionne parce que la promesse des mecs est la suivante: ils ne l'ont pas fait pour la nostalgie (inexistante, de surcroît) mais pour l'envie de détruire tout une fois sur scène. L'envie de tuer. La face A suinte, comme promis, de ces lignes de basses typiques et de la haine glaviotante de Robinson bien épaulé. Sur l'autre, on se croirait sur une envolée chantée tirée d'un "Process of Weeding Out" qui virerait sans s'excuser vers un quasi funk psychédélique où Eugene de Whipping Boy se rapprocherait du Robinson en slip d'Oxbow. On attend forcément que cette incarnation viennent avoiner le curieux sur scène.

vendredi 23 décembre 2011

PUSCIFER- Conditions of my parole

Tool nous avait habitué à un rythme de croisière quasi régulier, publiant un nouvel album 5 ans après le précédent sur ces deux dernières productions. Cette année nous n'avons pas eu notre dose, les fanatiques n'en peuvent plus et c'est finalement Puscifer qui a dégainé plus vite... reléguant par ailleurs le projet phare (quoi qu'on en dise) de Maynard James Keenan au placard pour encore quelques temps. Surtout que Puscifer avait déjà sortis deux disques (un album et son siamois de remixs) qui, bien que loin d'être mauvais, n'étaient que la preuve que Puscifer était avant tout un projet fourre-tout de luxe pour le vigneron. "V for vagina " était surtout le moyen de voir ce que glandouillait Keenan loin d'un groupe, et le concept ne prenait pas plus que ça une fois sur bandes, malgré un casting incroyable (RATM presque au complet, Tim Alexander...).
Puscifer revient avec son deuxième véritable album, alors que les admirateurs attendaient plus un nouveau Tool, voir même un nouvel enregistrement d' A Perfect Circle, pusique ressuscité contre toute attente. MJK a visiblement poussé le jeu du beauf américain de base jusqu'au bout avec cette nouvelle fournée, les clips et visuels promos/pochette allant dans la continuité de Cuntry Boner. On y voit un Keenan ventripotent, moustachu et coiffé d'un mulet de champion dans sa caravane ou en prison. Technique marketing pour faire fuir le metalleux ? On se souvient de son goût pour les costumes affreux, de sa volonté presque maladive à garder l'anonymat (même si pour la première fois de sa carrière, il apparaît sur la pochette d'un de ses albums) et de cette anecdote qui veut qu'un soir, en sortant d'une séance de ciné avec Adam Jones, celui ci se fait abordé par une poignée de fanatiques de Tool une fois séparé de son camarade qui lui demandent l'air ébahis "tu connais le guitariste de Tool ?", n'ayant alors pas été identifié comme le chanteur du quatuor par la horde.
Coté casting, encore une grosse sélection: épaulé par Carina Round sur la plupart des morceaux, il convie également son fils Devo à jouer sur un morceau (contrebasse), Josh Eustis de Telefon TelAviv aux claviers et à la programmation, Tim Alexander, Gil Sharone de Dillinger Escape Plan ainsi que Jon Theodore de One Day As A Lion et Mars Volta à la batterie, Alessandro Cortini de NIN au Buchla (synthé modulaire ésotérique) et Juliette Commagere au chant qui avait largement contribué à la première tournée live du groupe. Et cette fois, le surplus d'invités ne débouchent pas que sur une grosse blague assortie de quelques bons morceaux, mais plutôt d'un disque étonnamment réussi. Ce Puscifer ressemble au disque de pop indus que Perfect Circle n'a jamais enregistré. A la production massive s'ajoute une série de morceaux sérieux, imparables. Dynamiques et intelligentes, les compositions voient Maynard chanter de son impressionnante voix sur des chansons toutes arrangées avec soin, offrant une puissance et une rigueur qu'on ignorait de la part de ce projet. C'est la grande force de ce second album: plutôt que de récolter des ébauches et idées en tout genre, ce nouveau disque se compose de chansons, d'un réel travail d'écriture et couplé à un souci du détail et de la création inventive. On saluera particulièrement les apports de Mitchell, Eustis et Cortini aux claviers, venant truffer ici et là les chansons de trouvailles sonores, de petits sons étranges apportant une dimension nouvelle aux compositions sans aller ni dans la facilité ni dans le dépotoir à sons. Tous se plient au jeu de l'orchestre, personne ne vient faire de la figuration en faisant mumuse, mais sert un projet musicale qui se tient de bout en bout. Le tout, en quelques 12 morceaux et en totale inadéquation avec l'emballage, se présente comme un disque de pop rock malin et créatif, disposant d'une insoupçonnable puissance.

mercredi 21 décembre 2011

MOBB DEEP- Black Cocaine

La preuve que les formats courts ont du bon, on se met à rêver quant à le prolifération de ce genre d'EP, ramassé, puissant, qui se tient sans longueurs ni faiblesses. De Mobb Deep on connait surtout les deux classiques "the infamous" et "Hell on earth", deux indispensables du hip hop type sécheresse sonore et regard mauvais. Black Cocaine est un disque court mais impeccable, composé de 5 morceaux qui nous pousseraient à nous pencher sur les autres albums du duo, du moins à guetter celui qui arrive si il est dans la même veine. Hip hop de truands certifié, production phat qualité supérieur, peu importe qui s'occupe de tapoter la mpc: Beat Butcha ouvre avec un morceau se basant sur un sample de rude boy et des claviers type horrorcore, Havoc produit lui-même un Conquer qui commence en faisant peur avec ses cors samplés mais qui fait ses preuves avec une construction redoutable et un beat lourd. The Alchemist s'occupe pour sa part de deux morceaux habités de samples et de sons hypnotiques, dont un soutenu par Nas qui ne brille plus que grâce à ses apparitions chez les autres. Freak Beats produit le dernier morceau, entre piano irritants et samples gras de guitares, synthés stellaires et batterie massive. Cinq morceaux sérieux sur un EP brillant, entre clin d'oeil aux petits nouveaux (on pense très fort à Clipse sur deux morceaux) et retour prometteur.

mardi 20 décembre 2011

KICKBACK-Et le diable rit avec nous

Etonnamment prolifique, Kickback revient seulement 2 ans après l'album précédent (rappelons nous que No Surrender n'est séparé que de 12 ans de son prédécesseur). Un retour donc plutôt inattendu, et qui ne s'est pas fait attendre: annoncé et publié rapidement, à l'image de la musique d'ailleurs. Un coup rapide, furtif.
Et le diable rit avec nous chante la mélodie et l'amour de bout en bout, on en vient à regretter qu'il ne se soit pas nommé "accolade dans les coquelicots". Logiquement, il se pose comme la suite logique et inévitable de No Surrender (d'ailleurs la pochette reprend le visuel de la première page du livret de l'album précédent), qui avait vu une mutation de la musique du groupe tout en asseyant paradoxalement son identité. Kickback ne ressemble plus qu'à lui même, et son affirmation dégueule de chaque note, chaque coup, chaque hurlements. Certain se précipitèrent pour affirmer un virage black, et si il faut relativiser cette affirmation, la musique du groupe s'est noirci, s'est méchamment salie avec l'arrivée de l'architecte du riff en chef, tête pensante de Diapsiquir. Mais cette suite, expéditive (une grosse demi heure), entame aussi un virage qui semble s'éloigner du groove omniprésent depuis Cornered. Le triple K s'est associé pour ce nouvel enregistrement à un batteur plus sobre que précédemment, et le rythme en devient moins chargé, perdant au passage une dose de groove. Le son des 10 morceaux va d'ailleurs dans ce sens. La production est tranchante, sèche, agressive, et ne déborde pas de basses, manquant légèrement de rondeur. Et le diable rit avec nous est le disque le plus froid de Kickback, le plus austère, et a des allures de punk vénéneux. Une agression glaciale d'une demi heure, remuant dans le crâne puis se retirant sans prévenir. Ce constat serait cependant renforcé sans les deux reprises finales cloturant l'album- une des Geto Boys et une seconde des Brainbombs. On se penchera surtout sur celle des Geto Boys, la plus surprenante. Pendant quelques minutes, Kickback multiplie les sons inédits dans leur mixtures: passages presque claires, samples, saturations absentes pour respirer, mais mixé au denses sonorités âpre de la production. Le rythme est assuré par une BaR, elle aussi glaciale et monomaniaque, puis la reprise se finit sur une longue sortie calme et noire, larsen de machines ravagées.

vendredi 16 décembre 2011

THE WASHINGTONIANS-Severed Heads

Les Washingtonians auraient totalement pu exister il y a 10 ans, à l'époque où des dizaines de groupes apparaissaient chaque semaines et où chacun d'eux faisait l'effort d'être plus créatif, plus efficace ou plus sauvage que les autres. Et les Washingtonians se seraient déjà largement démarqué. Nous sommes à la veille de 2012, et la pénurie de groupes de rock agressif se fait de plus en plus sentir. Les grands labels sont à la rue, et quand ils veulent briller, ils sortent des ré-éditions. En évitant de verser dans le "c'était mieux avant", c'est avec le sourire qu'un groupe comme les Washingtonians est accueilli. Après son premier essai traité ici, le groupe a pris le temps de concocter un long disque gavé jusqu'à la gueule en quantité mais qui a aussi le bon goût de ne pas faire saturer les oreilles de son auditoire: l'album est dense mais ne s'éternise pas. 19 morceaux pour 30 minutes, impeccable. Pour poser la rigueur du groupe c'est l'ensemble du projet qui est abouti et qui mets des points: l'album s'enrobe d'un visuel superbe (de Rica, qui avait signé quelques couvs chez Noise et bossé pour Marvin ou Death to Pigs) rappelant les comics indés US, avec un Georges à la tête décomposée en cubes libérant une armée de smileys: Washingtonians s'éloignent de son premier disque avec un visuel à l'opposé du précédent. C'est F. Hueso qui s'est occupé de capter le fouin, habitué de la console pour des projets parfois nettement moins intéressants mais qui produit un superbe son dynamique et adéquat. A l'heure où tout sonne comme un produit plastique Relapse, Washingtonians joue sur une production plus serrée, et qui ne donne pas dans l'artifice usant. Chaque membre a sa place et tout se distingue.
L'influence Benümb me semble moins parlante pour ce nouveau disque, le son y étant moins magmatique, respirant davantage et les Washingtonians jouant définitivement une musique plus entrainante, possèdant un coté aussi terriblement festif. De fait, le groupe me semble aujourd'hui jouer dans la cour hardcore (ou grind, à vrai dire on s'en tape) comme Entombed joue du death: en y incluant une dose évidente de rock'n'roll et de groove. Sans redéfinir les contours de musiques sauvages et ultra balisés, les 4 jouent avec cette conviction poisseuse et cette énergie impeccablement gérée: chaque break, chaque mesure, chaque plan semble bannir la molesse, même quand ils calment sévèrement le jeu. Techniquement, les membres semblent tous en place, et le travail rythmique est remarquables: entre blasts et ralentissement, chaque coup à l'air teigneux, ça rouste dans tous les coins, cymbales en guerre et peaux de chèvres en ruine. Fait(devenu) rarissime, la voix possède un vrai grain singulier, qui n'est pas sans rappeler Scott Angelacos, hurleur possédé de Bloodlet, Hope & Suicide et désormais dans Junior Bruce. Au bout des courses, le groupe distord complètement sa musique sur deux titres totalement opposés: un morceaux ou tout y est lent et écrasant, puis une dernière rafale tout en vitesse ramassée en quelques secondes. Le dernier titre fait une dernière fois les comptes avant de fermer la porte, mais celui d'avant permet au disque de se reposer et de montrer que si le genre lourd et lent est en surpoids grâce à un nombre de groupes incalculables tentant leur chance dans ce style, il reste un exercice souvent convainquant quand il est est (bien) exécuté par des gens dont ce n'est pas la spécialité. On se souvient d'ailleurs de Cephalic Carnage qui assurait totalement dans ce genre de tentatives. Un Severed Heads soigné de bout en bout, qui se finit comme il se découvre: en imposant une taloche qui rend heureux.

mardi 6 décembre 2011

TOM WAITS- Bad As ME

Waits ne se fait plus si rare, se fait moins désirer et ne mets que 4 ans à donner vie à ce Bad As Me (si l'on considère "Orphans..." comme un véritable album), et deux ans seulement depuis le live au son âpre que nous avions mentionné lors d'une réunion. Bad As Me, titre qui pourrait tout dire mais qui ne le fait pas, parce que "Bad" n'est valable dans aucun sens du terme. On a connu Waits plus effrayant, plus noir, plus vicieux, et on a connu des albums bien pires (sans parler, de fait, de sa discographie).

La famille Waits se fait fidèle lorsque le maître passe en studio: Brennan soutient encore son étrange mari dans ses délires, alors que le fiston se pose derrière la batterie de manière plus importante que jadis puisqu'il frappe sur une bonne partie des titres. Ribot est un fidèle, un habitué tout comme Claypool, toujours présent lorsqu'il peut passer quelques notes de sa 4 cordes mutante au patron du cabaret. Pour la photo, on notera également la présence de Flea, qui prouve encore que les mecs des Red Hot ne sont jamais aussi bons que losqu'ils s'évadent de leur machine à remplir du stade, et également celle plus surprenante et pourtant plus légitime de Keith Richards. On en oublie beaucoup d'autres.

Bad As ME ne porte donc pas vraiment bien son titre. Le cinglé effrayant du blues déglingué ne sort pas ses visages les plus terrifiants, laissant ça au premier tiers d'Orphans ou de Real Gone. Il n'est pourtant pas dans le registre d'un bluesman sobre: la voix mutante continue de se transformer d'une pièce l'autre, et c'est le grain qui assure le fil rouge de l'album; mais sans habitudes, l'auditeur pourrait s'y perdre: Waits est multiple... en plus d'être ravagé. L'instrument vocale de Waits est si complexe et fascinant qu'il pourrait écrire des paroles totalement déplorables qu'on s'en contenterait. Mais en plus d'insulter les cordes vocales de dizaines de troubadours en lichen, il les humilie en s'imposant encore comme un brillant parolier.

Et puis Waits à la classe mais aussi les façons des bruts. Il vous attrape violemment par le bras et vous force à le suivre dans ses déboires de poètes aux carnets sales et aux notes éparses, amenant cohérence dans la folie, la diversité dans sa vision musicale. Blues bâtard ici, folk triste par là, rock poisseux plus loin. Un traversée plurielle du bilan MMXI, entre incantation au rythmiques de bidons rouillés, guitares aux cordes saignantes, orgues enroués et confession plus intime sans importuner les artisans vicieux exécutant les délires et requêtes du taulier. Fanfare macabre et fin de spectacle, ambiance alcoolique pour l'amour de la bonne goutte plutôt que l'opulence du baril. A l'image de sa discographie.