lundi 31 octobre 2011

CODY SIMPSON - Coast to Coast

Bah quoi, c'est Halloween non? Quoi de mieux qu'un clone austral de Justin Bieber pour faire revenir les morts? Rien. Strictement rien. Au risque d'aguicher au passage quelques blondinettes à appareil dentaire qui rêvent de surf et de crème de visage la nuit, mais bon, à ce prix là franchement! Vous aurez bien quelques bonbons (gifles) à leur filer. 

Cody Simpson donc. Des milliers de kilomètres le sépare de son comparse et aîné canadien (Justin est de trois ans son aîné, un monde vous comprenez). Pourtant les deux créatures semi-extraterrestres ont toutes les deux été découvertes sur le net, "grâce" à leur clip aguicheur et à leur minois de pré-ado tout droit sortis d'un camp d'émasculation pour jeune aryen dépressif. Le sourire large comme une pagaye, le regard aussi pénétrant qu'un couteau suisse dans une brique, le casque d'Albator ou de Mireille Mathieu (au choix)... La panoplie complète du parfait petit Playmobil de la musique expérimentale dodécaphonique et arythmique quoi. 

Ah les opérateurs de musique en streaming ont parfois de riches idées. Ils savent que j'aime écouter de la grande musique pop, des trucs comme The Soft Pink Truth, The Horrors ou Kim Fowley (j'suis un peu innocent en zik moi...) alors ils m'offrent sur un plateau le dernier album du platiné surfeur de la grande barrière de Corail. Cody Simpson, né le 11 janvier 1997, "chanteur et surfeur australien" dit sa page wiki. Presque dix ans nous séparent. Un univers aussi. Une certaine idée de la vie. Mais il finira par se poser des questions lui aussi lorsqu'il écrira son autobiographie comme son pote Bieber. Parce que oui, Justin a déjà son autobio, très humble cela dit: De mon premier pas vers l'éternité: mon histoire, disponible chez Michel Lafon. Ca doit valoir son pesant de cacahuètes... 

Bref. J'écoute ce Coast to Coast qui quitte le Golfe de Carpentarie pour aller à la conquête de l'Amérique. Je me déhanche nonchalamment sur la balade hivernale Not Just You, m'extasie devant ce p'tit gars au nez raboté qui arrive à serrer des filles qui ont bien dix ans de plus que lui (en tout cas le maquillage les y aide). Je m'enthousiasme comme une midinette sur On My Mind et ce jeune minet qui tombe amoureux d'une photographie (ça me rappelle mes cours sur le Nosferatu de Murnau d'ailleurs, merci Cody) et qui fait des gros check à son pote le vendeur de télévision... Je brûle et salive sur All My Day, morceau en carton où le jeune homme gesticule dans tous les sens sur des chorégraphies de Mia Frye mais peine à se remettre la mèche. Et puis mes oreilles prennent soudain feu lorsqu'il entonne son sémillant iYiYi (prononcer aïe-aïe-aïe-aïe) en duo avec le rappeur subversif Flo Rida. 

J'en suis tellement tombé amoureux que j'ai fini par ne plus distinguer les différences pourtant notables entre toutes ces mélopées enrobées de vaseline (appelée aussi gelée de pétrole).Il m'aura fallu une deuxième écoute, avec les clips sous les yeux pour comprendre l'ampleur du plagia qu'il m'était donné de voir. L'escamoteur de kangourou est en train de siphonner par le fond le marché des 8-15 ans que son pote l'emmancheur de caribou détenait jusque là. Au final, cet enfer ne m'aura pas permis de résoudre l'insoluble dilemme cornélien: est-ce pire d'infantiliser les mimiques et les gestuelles des adultes ou bien de faire des thématiques de pré-ado des paradigmes visants à régir la vie sentimentale d'adultes en perpétuelle dépression identitaire? Sur ce, joyeux Halloween. 

The Roost de Ti West

Je zonais sur la toile lorsque j'ai vu que le réalisateur Ti West allait sortir un nouveau film au doux nom de The Innkeepers, une histoire d'hôtel hanté qui semble s'inspirer grandement du Insidious de James Wan ou des Autres d'Alejandro Amenabar. Cette petite bande annonce m'a rappelé au bon souvenir du premier film de Ti West, sorti incognito aux USA en 2005 et sorti incognito directement en DVD chez nous, sans que je n'ai jamais eu l'occasion d'en voir le moindre exemplaire dans un bac... 

Si vous organisez une soirée posée chez vous et qu'au lieu de mettre une playlist d'ambiance glauque qui ressasse les mêmes thèmes de l'horreur depuis 40 piges (ce qui revient à comparer la musique de l'Exorciste à Alexandrie Alexandra de Claude François en gros) vous aviez l'intention d'être original et de mettre en fond sonore et visuel un film inintéressant, fauché mais que personne n'a vu et qui rentre dans les critères "Halloweenesques" (cette phrase est interminable), The Roost est pour vous. 

Déjà parce que personne n'aura besoin de réellement faire attention à l'intrigue: de jeunes gens se rendent à un mariage. Ils ont une panne de voiture en rase campagne et sont kidnappés dans une ferme sordide. Là ils se font attaqués par une bande de chauve-souris zombie-carnivores et par leurs victimes zombies qui reviennent pour le plaisir du pays de l'Oncle Entre-les-Morts. Autant dire qu'entre deux saucisses cocktail, un léger coup d'oeil-sourcil relevé à ce drôle de récit en fera sourire quelques uns. 

A signaler que le film marche aussi si vous êtes en mode "potes de bar", bière, masques de Jason et pop corn en prime. Faudra juste le mettre en amuse gueule pendant la première pizza pour éviter que vous ne vous endormiez. Ti West, avec ce premier film, ne brillait pas franchement dans sa maîtrise du rythme de la terreur. En découle de longues séquences atones et lentes, loin d'être extatiques. 

Si vous organisez une projection dans une grange par contre, ça peut être super stylé. Surtout quand on sait que, celle qui est utilisée dans le film, est la même qui servit à Hitchcock pour Pas de Printemps pour Marnie en 1964. Les fans apprécieront. 

The Roost n'est pas si vilain que ça. Disons surtout que son budget (50 000$) ne l'a pas forcément aidé. Argument qui ne tient pas tout à fait au regard des effets produits par les sous-productions Paranormal Activity et Blair Witch Project. Mais le premier film de Ti West (qui a réalisé la suite de Cabin Fever) ne joue pas dans la même cour. Il est clairement une séquelle d'un certain cinéma bis des 50's (voire d'un certain cinéma bis mexicain des 50's) dans son côté théâtre de Guignol mais aussi un héritage trash molasson mais volontaire des premiers slashers comme Massacre à la tronçonneuse qu'on aurait mixé avec le Bats de Louis Morneau. Si bien qu'au final, on est loin d'avoir boudé son plaisir. 

vendredi 28 octobre 2011

UMBERTO-Prophecy of the black widow

Musique de giallo version 2010, comme un goût de revival anti-daté, par un type appelé Matt Hill et qui se cache sous l'étrange blaze d'Umberto. Un truc de nostalgique un peu geek, coincé dans une époque qui l'accueil les bras ouverts: la clique Not not fun se fait un malin plaisir à signer ça. Le disque que Jus Oborne aimerait composé avec un ampli Orange en s'insipirant de Goblin. Du kitch italien supposé mais composé avec le sourire de celui qui comprend, grosse tendance du synthé vintage, un rein en échange, et des milliers d'idées et d'image se bousculent dans la tête de l'auditeur. Une sorte de musique de dessins animés Metal Hurlant qui se finirait dans un bain de sang, Vampirella assise dans ton fauteuil en train de te vider ta cave à vins, l'oeil complice. Roulement de toms d'une autre époque, du type que tu n'entends plus sauf chez Céline (celle sur le paquebot) ou Barbara, passés dans des reverbs à la discrétion interdite. Anton LaVey te lit un poème de son cru pendant une descende en quinte diminuée, la boite à rythme n'atteindra pas le 666 BPM, calme toi. Tu paries bêtement que Daft Punk est en featuring sur le disque, ayant troqué les casques contre des bures de moines, levant les bras au ciel implorant le dieu Maiden de les pardonner. Orgie de sons, la vierge, seulement vêtue de crâne sur les seins et d'une cape en fourrure bondit pour échapper à sa punition nocturne, poursuivi par un découpeur de tête sous drogue, pendant que tu ris, affalé sur un canapé en vinyle rose. Soirée gothique qui vire au cauchemar comique et un peu plus, les basses rondelettes d'Umberto sont presque sympathiques avec cette musique qui accompagne la découverte d'un coffre longtemps oublié dans un grenier. Riffs de cloches et choeurs de synthés, chaque oscillateur sollicité ici est imbibé d'envolées Cartpenter-esque. Parait qu'il était prévu une version cassette, le format absolu du nouveau millénaire, dans un fourreau en moumoute rose.

jeudi 27 octobre 2011

CYPRESS HILL- III Temples of boom

Il est assez intéressant de se repasser par ordre chronologique la discographie de Cypress Hill, puisqu'en plus de montrer l'évolution (j'aurais bien parlé de "progression" si le groupe était mort en 99) du groupe californien, les albums du posse enfumé sont aussi d'excellents traducteurs des grandes tendances du hip hop des années 90 jusqu'à aujourd'hui. Un premier album basé sur des samples archi grillés de soul et de funk, puis un second disque plus obscur, habité par ces fameuses "sirènes", petits sons stridents typique du rap de jadis, et également grande spécialité d'un DJ Muggs Monomaniaque puisque s'évertuant à perpétuer la tradition chez ses poulains New Yorkais de House of Pain à la même époque. Plus tard suivra la volonté d'ouvrir le son Cypress à des orchestrations plus denses et rock avec les prémices sur l'excellent "IV", avant de s'embourber dans le médiocre hip hop au violon mal samplé sur Skull & Bones, complété par un disque de... metal, venant aboutir une démarche intéressante mais qui se panne sévèrement au final. On a déjà évoqué le nullissime Stones Raiders par ailleurs, premier disque totalement inexcusable du groupe.
Au milieu se situe ce troisième album, peut-être le moins remarquable du groupe puisque celui ci n'est pas rempli de classiques (comme Black Sunday qui propose quasiment un tube tous les 2 titres), mais également celui qui se situe le plus hors du temps et hors de toute époque comme l'a pourtant fait (inconsciemment ?) Muggs sur tous ses autres disques. L'équilibre au sein du groupe semble alors relativement fragile: Sen Dog n'est pas le plus présent (il ne l'était déjà plus depuis le précédent) et s'absente de son crew pour aller s'amuser avec SX10. Lors d'un passage à NPA, Muggs laissera même ses platines à un autre pour venir poser sa voix directement avec B Real, l'homme à la voix de canard la plus reconnaissable du monde du hip hop. Le groupe s'offre de plus en plus, également, les services d'Eric Bobo, fils de Willie Bobo, mythique percussionniste de jazz, à qui les Beastie Boys avaient largement rendu hommage avec le titre "son of neckbone", sur Ill Communication auquel participa junior. Membre de Cypress depuis 94, il assura la tournée Check Your Head et enregistra Ill Com et Hello Nasty avec le trio New Yorkais, avant de s'investir pleinement dans le groupe californien lorsque celui ci décidera de franchir le pas et de s'équiper de véritables instruments sous l'influence-entre autre- des Beastie, justement.
Temples of Boom est surtout l'album le plus sombre de Cypress Hill. Muggs a progressé dans sa composition et sa production s'améliore remarquablement- non pas qu'il fut mauvais jusque là. Mais sa musique gagne en finesse, et ce troisième album est probablement son oeuvre la plus maitrisée. Ses basses sont légèrement moins agressives que précédemment mais aussi plus profondes, venant créer une tension lourde sur des passages plus contrastés, plus calmes. En fait, ce calme est une mise en son d'une certaine idée du macabre, plus ouvertement illustré ici qu'auparavant. Muggs flirt avec le blues poisseux plutôt qu'avec le funk festif, la soul glauque et dégradée et sample même du reggae (Barrington Levy). Temples Of Boom est également à cheval avec le psychédélisme, samplant cithares et violons, métallophones et guitares, passés dans les effets, bouclés sauvagement, s'imposant au coeur des beats et des basses. Muggerud invite aussi LE groupe qui est dans tous les esprit à l'époque: Wu Tang pose pour Cypress avec rien de moins que le chef, RZA, et un de ses MC, U-God. Riggs co-produit un morceau à mi chemin entre les 2 entités, Killa Hill Niggas, où ses obsessions pour les sons pillés et méconnaissables épousent la passion sonore du morbide des cannabiques latinos. Entre ces explorations sous psychotropes (illusions) et dérives psychés (Boom biddy bye bye), Cypress produit également deux morceaux d'une méchanceté sonore incroyables: "No rest for the Wicked" et "Locotes". Le premier est un règlement de compte avec Ice Cube (Muggs avait produit un morceau pour le gars intitulé "Wicked") que le groupe accuse de vol, véritable sous-thème de l'album (cf. le sample de Pulp Fiction, mais aussi d'autres morceaux comme celui avec RZA), sur un beat sec et puissant, la production étant limite minimale, comme pour rendre le propos plus claire, net. Le second est tout aussi teigneux, mais à l'ambiance urbaine et nocturne, alors que Bobo assure quelques percussions brillamment distillées avec discrétion, un exemple parfait du "Less is More" musical: en quelques coups de congas, Bobo habille avec un minimalisme remarquable cette excursion belliqueuse.
Constitué de 15 morceaux et interludes réussis et d'aucune faiblesse, Temples Of Boom est un des plus remarquables enregistrements de Cypress Hill. Certains préfèreront Black Sunday, tandis que par honnêteté, d'autres n'oublieront pas "IV". "III" est au milieu mais demeure une référence pour le groupe, qui aujourd'hui semble incapable de renouer avec ses grandes heures. Temples Of Boom est la preuve que le groupe, lorsqu'il prend le temps d'affiner son propos et sa production est capable de grands disques, allant bien au delà d'un simple cadre Hip Hop West Coast ou horrorcore: une référence du hip hop, sorti, en toute coïncidence, un 31 octobre (1995).

mercredi 26 octobre 2011

THE RESIDENTS- Freak Show

C'est à peu près un des rares trucs qui peut être sur avec les Residents: ces braves gens feront toujours un peu plus peur que les autres. Je me demandais justement quel aspect des Residents étaient le plus terrifiant. Leurs premières sorties, à l'humour intolérable en jouant avec les codes du nazisme sans scrupules ou de la pop ? Leur albums instrumentaux, vastes songes auditifs et perturbant ? Leurs vidéos, totalement perturbantes, jouant avec des codes graphiques élémentaires mais avec une volonté de nuire à votre psyché avec une certaine aisance ? Ou leurs albums plus classique, composé de (presque) chansons comme ce classique Freak Show ?
Bien entendu, une écoute sommaire des Residents ne révèle rien, si ce n'est une bande de sociopathes se plongeant depuis 40 ans dans un anonymat obsessionnel et jouant une musique à la limite du kitch total et un peu vain, faisant penser aux genres de musique qu'on écoutait quand on était tout petit, voir à la Salsa du démon, sorte d'opéras étranges et nimbés de mystère. Freak Show est d'autant plus étrange aujourd'hui qu'il se situe au moment où la formation, encore ancrée dans les années 80 décide de se tourner de plus en plus vers le multimédia (3D, CD Rom...) et la musique électronique. C'est la foire aux claviers MIDI, aux sons FM, aux boites à rythmes bontempi. Freak Show est cependant un pur Residents: musique carnavalesque désintégrée, pianos totalement détruits essayant de jouer quelques accords mélodieux, rythmiques élémentaires surgissant au milieu de choeurs féminins, conteur Allemand articulant les morceaux et autres évidences propres à cette bande de furieux. Et puis cette voix. Celui qui n'aurait pas d'oeil à la place de la tête mais un crâne noir serait le vocaliste, ici présenté comme un écolier dans les visuels. La voix, toujours cette voix, immuable, identique avant et depuis, surgit de temps en temps, chante au centre du manège malsain, donnant parfois la réplique à une invitée féminine. Visuellement, les Residents ont soigné cette énième édition (celle de 2006), avec en plus d'un DVD cadeau, quatre histoires dessinées, dont une par Savage Pencil (Edwin Pouncey, collaborateur de Wire et de Dodgem Logic), ainsi qu'une autre par le grand Brian Bolland. Maintenant, si vous devez vous rendre à une soirée bon enfant, vous pouvez toujours tenter de passer ce Freak Show (ou un autre à vrai dire) pour saccager l'ambiance... ou pour révéler quelques problèmes psychologiques chez vos proches.

lundi 24 octobre 2011

New York City Inferno de Jacques Scandelari

New York City Inferno est un film pornographique gay de 1975. A cette époque l'homosexualité en France est un délit, ce qu'elle n'est pas à New York. Aussi, quand Jacques Scandelari s'envole pour les Etats-Unis il est très au fait de cette situation juridique et morale. L'objectif était de filmer en peu de temps (le film a été tourné en quatre jours) le gay New York, celui de The Village, celui dont il avait entendu parler, qu'il avait fantasmé. 

L'histoire est simple mais c'est déjà peu banal pour ceux qui n'ont pas connu cette époque, d'avoir un porno avec une histoire. Jérôme est amoureux de Paul qui est parti à New York. Celui-ci dans sa dernière lettre lui dit qu'il ne reviendra jamais à Paris. Jérôme décide alors de se rendre sur place pour retrouver son amant. 

New York City Inferno a pour lui ce qu'aucun des pornos actuels n'est capable de fournir. Il ne s'agit pas simplement de faire bander mollement mais plutôt de poser des questions. Le film est en cela terriblement politique, incroyablement drôle, quasiment documentaire et, ce qui ne gâche rien, il est puissamment cinématographique.

Politique, cela va sans dire. Réaliser un film porno homo dans les années 70, c'est déjà un fait d'arme. Mais NYCI ne se contente pas simplement du geste. Il y porte la réflexion qui va avec à travers le biais scénaristique des lettres de Paul dans lesquelles il raconte les différences entre les deux villes et pourquoi il préfère continuer à vivre son homosexualité de l'autre côté de l'Atlantique.

Drôle, c'est indéniable. Quel porno se permet aujourd'hui d'insérer de déconcertants plans sur un chat pendant une partie de jambes en l'air, fait des panneaux sur des graffitis "Fuck" pendant une fellation dans un hangar ou habille ses protagonistes de vison ridicule? Quel porno utilise des chansons de Village People comme BO? Aucun, car le porno d'aujourd'hui n'a plus aucun second degré. NYCI ne se prend pas au sérieux, il a d'autres atouts. Il invite d'une part à réfléchir sur le combat homosexuel pour sa reconnaissance tout en se moquant des convenances orgasmiques.

Documentaire car le film se transforme souvent en une véritable plongée dans le NY gay de l'époque. Ses rues, ses cabarets, ses cruising incongrus (les quais du port industriel), ses backrooms... Il est aussi un témoignage sur des pratiques sexuelles qui sont devenues aujourd'hui mythiques, héritage affirmé des fantasmes de Kenneth Anger, de Jean Genet et de son Querelle (les pissotières par exemple).

Cinématographique enfin car NYCI n'est pas un vilain cliché froid à la lumière blanche clinique et sans âme. Il est brûlant, maladroit, déviant, imaginatif. Il multiplie les panneaux, propose un montage astucieux qui alterne intelligemment des scènes de off drôle (la séquence chez le tatoueur) et des scènes de sexe entre poilus-moustachus qui restent insondables pour les poilophobes modernes.

Pourquoi j'écris un billet là dessus, alors que c'est le mois spécial Halloween? NYCI ne s'achève pas par hasard sur un Inferno torride, presque satanique. Il s'achève dans une backroom quasiment démoniaque où l'on circule en caméra portée entre des bouffeurs de cul et des maîtres adeptes du dog training le tout dans des jeux de lumière aléatoires et sur une musique carbonique et démentielle de Camille O'Grady qui perf' en live au milieu de cette orgie hors norme. L'enfer on vous dit. Avec du cuir, du bondage, du sling, de la moustache et des dizaines de paires de coucougnettes bien pleines. L'apothéose pour un film turbulent et subversif, un porno vraiment pas comme les autres. 


BLACK HOLE- Charles Burns

Après avoir oeuvré dans RAW, la revue de Spiegelman pendant plusieurs années (il en était devenu un des fers de lance, et la revue est aussi culte que légendaire, avec entre autre, ce numéro qui offrait un vynil 7" souple à l'intérieur), et terminé quelques BD ( El Borbah...) ou autre pochette de disque (on cite l'inévitable pochette pour Iggy, mais nous n'oublierons pas les Residents ou Mc 900 ft jesus) tout en assurant toutes les illustrations du magazine littéraire The Believer, Charles Burns s'est attelé pendant 10 ans à la réalisation de son chef d'oeuvre jusque là: Black Hole.

Le pavé final raconte l'histoire de plusieurs ados issus de la banlieue de Seattle parmis lesquels certains sont touchés pas une maladie qu'ils appellent "la crève" (étonnament issu de "the bug" en VO). Intelligement mené sur 12 numéros, l'histoire raconte donc cet adolescence typiquement anormale, banalament à part. C'est à dire ancrée dans un tissu social précis et qui ne change pas ( Burns admet lui-même que son travail aurait pu être déplacé dans les 90's), car les schémas restent les mêmes. Maladie dont on ne parle pas, préoccupations bien loin du non dit (toujours les mêmes, l'alcool, l'herbe...) et parents quasi absents. La prouesse de Burns se situe dans le dessin de celui-ci. Contrastes secs, pas de gris, uniquement du blanc, et du noir. beaucoup de noir. D'énormes applats, et beaucoup de détails, sombres. Chaque case pourrait faire l'objet d'une analyse si ce n'est d'un temps pour l'admirer. Les détails fourmillent, le dessin est précis, contrastant alors avec la simplicité des traits humains: l'ensemble des ados ont tous un visage très similaire, seul une barbe, un nez ou un grain de beauté -pour les "sains"- permet de distinguer les différents personnages. Pour autant le trait de Burns ne s'affiche pas là dans la facilité puisque la constance des cases laissent admiratifs.

L'histoire que conte Burns est presque banal et fait côtoyer la pire horreur, celle d'une adolescence menacée et ravagée à une toile de fond immuable. Et si quelques développements peuvent laisser dubitatifs, on se prend surtout à trouver cette histoire -foncièrement dérangeante- très confortable dans son climat, dans son ambiance familière (le lycée, les longues journées à tuer le temps, la musique et les cercles de connaissances...) et intemporelle. Une oeuvre graphique parfaite par un dessinateur au talent majeur, une bande dessinée d'une grande force, remarquable.

lundi 17 octobre 2011

Creepy presents BERNIE WRIGHTSON

Assez dur de parler de ce genre de bouquin, d'autant plus quand d'autres l'ont déjà remarquablement fait. Dark Horse se colle donc à cette compilation des travaux et participations de Bernie Wrightson au magazine Creepy (publié de 64 à 83 par Warren) et Eerie (publié de 66 à 83, toujours chez Warren), magazines de BD d'horreur et de fantastique, absolument cultes, deux publications emblématiques de la BD Us des années 70. Bernie Wrightson ouvre une série (qu'on peut espérer longue) de manière logique puisqu'il est l'incarnation de la BD d'horreur contemporaine. Divisé en deux parties -une première étant la compilation d'histoires, la seconde composée de frontispices, couvertures et..."pin-up" (?)- cette collection fait éclater le trait impeccable et brillant de Wrightson, et permet de déguster telle une madeleine véreuse les incroyables planches du patron (grosse influence sur des grands d'aujourd'hui comme Kelley Jones-avis aux connoisseurs). Si le livre propose des travaux différents, comme les pages en collaboration avec Infantino et Chaykin qu'il encre, on appréciera tout particulièrement les magnifiques pages en noir et blanc (ie. sans gris, donc), qui sont très proches de la gravure, tant le dessin de Wrightson se révèle incroyable de finesse comme sur The Black cat, par exemple, l'histoire adaptée d'Edgar Allan Poe qui ouvre le livre. Le trait donc, souple, soutient ces histoires courtes, ces ambiances glauques et horrifiques avec ces détails et ces petites précisions qui font la richesse du travail, et mettant en avant le fait que Wrightson est particulièrement à l'aise pour dessiner au mieux les textures d'un corps en décomposition-à voir aussi son Swamp Thing qu'il inventa un peu avant et son Frankenstein. Un très bel ouvrage, que Dark Horse a la décence de ne pas vendre à un prix totalement rédhibitoire.

NOOTHGRUSH- Failing early, failing often

On en oublierait presque que le Sludge s'est notamment fait connaître par des formations fascinées par les tueurs en série, les comics d'horreur et films gore, à l'instar de Church Of Misery ou Acid Bath pour n'en citer que deux, et que la violence sonore était parfois plus recherchée que le psychédélisme de la lenteur totale de ce genre. Fut donc une époque où ce hardcore noise vénéneux était synonyme d'horreur sonore (pour aller vite et dans le contexte) avant de devenir la spécialité de tous les fans de Neurosis se cherchant un salut dans l'incapacité technique. Noothgrush est un groupe un peu plus discret que les poids lourds du genre (comprendre que là où Eyehategod remplissait un bar de la Nouvelle Orléans au top de leur succès, Noothgrush devait faire sale comble, au mieux, dans leur garage), et à ce titre totalement emblématique. Un peu comme Iron Monkey, valeur sure un peu plus discrète. Si il n'était pas difficile de dégoter un disque de Noothgrush au début de ce siècle, les différentes sources se sont progressivement taris au point que se procurer légalement une galette du groupe était devenue une mission des plus difficile. Emetic ressort donc en double LP/CD cette grosse compilation qui regroupe des enregistrements étalés sur deux ans (95-97), et initialement publiés sur des compilations, des splits, et autres 7". Le groupe californien a connu, comme d'autres, de nombreux changement de line up, mais s'avéra nettement moins consanguin que leur pote plus au sud (NoLa), puisque les membres eurent par la suite des trajectoires bien différents: l'ancien guitariste participa à Exhumed pendant que la batteuse frappa les peaux aussi bien chez Amber Asylum (sorti chez Neurot si je ne m'abuse) que Graves at sea ( nettement plus anecdotique, mais sur le même label).
Du sludge donc, qui s'est illustré avec les plus grands (comme quoi, la consanguinité reste relative): les fous furieux de Sloth, ou les princes de la lourdeur Japonaise Corrupted-par exemple. Loin de l'époque où les formations de tatoués se retrouvaient signées à tour de bras chez relapse et envoyées en studio grand luxe sans avoir rien à y foutre si ce n'est de lire tout Lovecraft en attendant son tour, Noothgrush a ce petit goût si appréciable des formations première giclée, era 90's, entre amateurisme totale dans la production, maîtrise totale de la lourdeur en amont -comprendre: la guitare ramone dans le bas, et rage dégueulante de chaque coté des enceintes. On songe rapidement aux excellents Toadliquor en plus propre, à Grief, ou même à Eyehategod pour sa rage quasi punk glaviotante, bien que le minimalisme de la formation (un trio) se ressente bien et marque une vraie différence. Pour tous les fanatiques adorateurs de sludge old school, cette compilation à nouveau disponible est un indispensable, et permet de (re)plonger dans cette scène passionnante d'une époque malheureusement révolue où la crasse débordait des enregistrements de ces groupes inventifs et franchement dégueulasses.

mardi 11 octobre 2011

RETOX-Ugly Animals

Tandis que the Locust seraient officiellement "en préparation d'un nouvel album", les plus rapides d'entre nous ont déjà certifié que Retox était composé d'ancien membre des sauterelles. Pearson chante mais ne joue pas de guitare et s'associe à Thor Dickey et Michael Crain pour tenir les 10 cordes qui sont sévèrement malmené chez Retox, sans oublier le psychopathe de la peau de chèvre synthétique, Gabe Serbian, qui en attendant de remettre son costume trop petit a préféré se payer un groupe de punk hardcore pur et dur plutôt que de faire montre de ses talents dans un combo jazz. Ipecac co-édite ces 11 titres horriblement chers avec Three One G, un alignement de nom très classique au vu du produit. Ce disque (un EP ?) est plié en 12 minutes, soit à peu près le temps qu'il faut à ces gens pour venir à bout de ce qu'ils ont à dire en temps normal (cf. Safety second, body last- entre autre) et on arriverait vite à la conclusion que décidément rien n'est surprenant sur ce petit quart d'heure à tamponner de l'oreille. Pas totalement faux: un profane n'y verrait que du feu. Pourtant la musique n'est pas similaire à celle de The Locust, Retox s'éloigne du trip mongolo spatiale/SF philosophique/Residents sous coke. Tout est placé sur une autoroute de riffs et de plans, et le déploiement est moins alambiqué et quelque part moins progressif et psyché que chez les insectes. Chaque riff tranche de la bidoche et Serbian va à l'essentiel. On pourrait croire que c'est Converge repris par The Locust ou Iron Lung qui imite les Blood Brothers. Du riff empilé et expédié avec élégance de jean trop serré, on applaudit le petit coup derrière la nuque.

vendredi 7 octobre 2011

DRILLER KILLER d'Abel Ferrara

Et le sang coule à flot t'accroche l'affiche. Depuis on a vu pire, pour sur. Abel Ferrara, surtout connu pour Bad Lieutenant, tourne son deuxième long métrage et interprète le personnage principal - sous pseudonyme- de cette histoire très new yorkaise et au feeling très 70's/80's.
Driller Killer est un film qui pourrait être vu comme la réponse lugubre de Taxi Driver, de 3 ans son "ainé", puisque tournant autour d'une thématique très proche: Reno est un artiste vivant à New York (l'ambiance de cette ville est capitale, tout comme Ferrara le prouvera notamment dans Bad Lieutenant, qui aurait pu tout aussi bien trouver sa place dans ces pages pour ce mois) et qui, agacé (probablement de manière plus direct que Travis) par son environnement finit par sombrer dans la démence. La différence est le traitement, bien plus sauvage et direct que le film de Scorsese, le film à ce petit goût de ciné indépendant et cette crasse poisseuse et collante- le film a également été largement comparé à "Massacre à la tronçonneuse". Autre point et pas des moindres: le son. Il est conseillé au début du film d'écouter ce film le plus fort possible. Comme certains films obscurs 70's dont notre Mr Ciné raffole, Driller Killer est un film bruyant, qui hurle, et qui fatigue aussi par son comportement audio. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que parallèlement, un des principaux éléments faisant sombrer le personnage de Reno est l'inlassable répétition du groupe de punk partageant son immeuble et qui un moment donné ne cesse de jouer un morceau basé sur l'entêtante ligne de basse de Peter Gunn. Et si De Niro sombre définitivement dans les toutes dernières minutes de Taxi Driver, Ferrara se saisit de sa perceuse électrique dès la moitié du film et massacre bien plus qu'un ou deux clochards.

Driller Killer est un film direct et crade, proto slasher qui se débat dans un climat très singulier, tournée avec des moyens dérisoirs et des acteurs totalement inconnus (avant et après), mais s'avère un métrage discret mais à l'influence considérable et tenace (cf. les allusions au film en musique, puisque le groupe Driller Killer revendique l'influence du film dans le choix de leur nom) qui assura à la bobine une interdiction de diffusion totale pendant 20 ans en Angleterre.

mercredi 5 octobre 2011

KICKBACK- Les 150 passions meurtrières

Il fallait bien débuter quelque part. Après tout, on aurait pu partir de l'origine pour remonter jusque là, et oublier certaines choses. "Les 120 journées de Sodome" pour commencer; Sade, la base. Ou le film, "Salo" de Pasolini. On est pourtant loin ici de la comédie et de la bouffonerie, du moins dans le propos et dans l'intention, car ce mini album en a fait rire plus d'un. Donc pour ouvrir ce mois d'octobre, on se penche sur Kickback, dont on avait déjà évoqué le dernier album en date.
Après deux albums de Hardcore assez classique mais bien exécuté, Kickback, avant de se lancer dans la préparation d'un long, enregistre 6 titres d'un hardcore qui s'appuie sur le groove en re-nouvellant son écrin avec un producteur tout neuf derrière la console. Le groupe se sépare de sa prod étouffé et métallique, et s'éloigne de l'étiquette qu'on lui colle au boule et qui ne lui convient pas, celle du NYHC. Simon Doucet, batteur des Bushmen et de quelques autres formations intègre Kickback et fait largement partie de l'équation faisant l'intérêt de ce disque. Avec donc Ed Rose, producteur de Coalesce la formation la plus teigneuse de l'hexagone couche 6 titres basé sur l'admiration du chanteur pour le marquis. Soulevant quelques débats et moqueries, Kickback propose malgré tout avec Les 150 passions meurtrières un mini album cohérent et sérieusement composé. La hargne du groupe reste unique et ses membres s'acharnent à composer des morceaux d'un hardcore virulent mais qui s'aère, dans des compositions qui évitent les évidences. Les morceaux se construisent loin des facilités, prennent de la consistance dans leur développement. Seul exception, le troisième morceau, beaucoup plus linéaire mais totalement nouveau pour le groupe: une guitare dresse un riff mélodique et entêtant, tandis que la voix, calme, parle et récite un passage du livre (les 120 journées) dudit marquis menant le tout vers un renforcement de la tension via la batterie. Ed Rose capture la batterie et la finesse de jeu de Doucet avec une maîtrise remarquable; ce dernier cale des rythmes complexes et des breaks impeccables au milieu des riffs à moulinet. Sur le calme morceau éponyme, le charley sonne comme des lamelles métalliques fendant les couches de 6 cordes. Le groove de la formation parisienne est magnifié par la production, définitivement plus rock qu'auparavant. On regrettera juste les paroles parfois trop directes, pas dans le sens frontales et agressives, mais dans le sens d'un premier jet, d'une ébauche. Domination, violence, agressions sont les thèmes évoqués, que ce soit à travers les samples, le texte lu et les paroles, comme une prolongation aux thématiques Sadiques, une vision contemporaine. Un disque crasseux et pesant, appellant une suite, mais qui verra le jour bien plus tard, après moult avortements.