jeudi 20 janvier 2011

Kito Sounds #3 (CKK012)

Opulence. En voilà une jolie sortie. C'est d'ailleurs pas évident de raconter quelques trucs dessus en étant bref. Voici le troisième volume de Kito Sounds. On connait l'importance de ces compilations pour le label Chez Kito kat. Elles marquent en quelque sorte des points d'étape entre les différentes sorties. C'est aussi un bon moyen de mettre en exergue l'esprit de la structure : amitié, rencontres, coups de cœur. C'est aussi le moment de faire le point sur des directions artistiques, d'intégrer des petits nouveaux qui n'ont pas encore la matière de sortir un ep ou un disque. C'est aussi une plaque de rencontre géographique, qui permet de naviguer entre le Québec, Metz, le luxembourg... Et c'est finalement un moyen pour certains des artisans de la structure de lâcher des morceaux composés en partenariat, des inédits, voire des projets éphémères. Pour la troisième édition de ces compilations, on à droit à un double disque, et plus de deux heures de musique. Deux disques qui marquent une rupture entre les deux amours et les deux fascinations du label:l'aspect rock/folk/pop et le côté plus axé sur les machines. Du coup, deux disques, nommés sobrement Words et Sounds, qui permettent de marquer une première division au sein même de la compilation. Au Mastering, l'ami Kaliayev, qui couronne l'activité amicale et bon enfant du tout, en devenant un des artisans des Kito. Et vu le côté perfectionniste du Monsieur, c'est tout vu, on lui tire son chapeau. L'emballage suit toujours la règle d'or du fait maison, avec les coutures de rigueur, avec un rendu toujours aussi intéressant (Honte à vous les Twin pricks et votre originalité).

Côté Words, beaucoup de belles surprises. La première c'est ce morceau purement hip hop avec une instru céleste que se farcit Dog Bless you, et un flow inspiré d'un poto du quebec (pour l'anecdote, un collègue d'un ancien Dead for a minute, avec qui l'un des kito buvait des bières en regardant le hockey, avant d'apprendre que le monsieur rappait quand il ne regardait pas ce sport national). La deuxième c'est Salima, l'une des trois Kito qui prend son envol et son assurance et se retrouve en featurings sur pas mal de morceaux. C'est tout d'abord la voix de Beat for Sale, le trio made in Kito qui va bientôt sortir son premier EP. Les prestations live de Beat for sale ayant apparemment été une grande réussite, dans leur kraut électro post suicide motorique ultra efficace et qui sent le tube à plein nez sur tout ce que j'ai entendu, la demoiselle assume de plus en plus sa voix et son flow, avec raison. Beat for Sale livre un on the road entrainant et basique (bouffe bouffe bouffe mon beat, ya que ca qui t'excite). Elle chante aussi en présence de No drum no moog, ce backing band pour la tournée de Twin pricks qui livre une musique bien plus robotique que ce à quoi on pouvait s'attendre (va savoir pourquoi). Et dernière surprise, on la retrouve aussi sur ce tout nouveau morceau de Kaliayev, nouvelle perle d'une rare douceur, morceau à tiroirs d'une rare efficacité qui conjugue phrasés hip hop et arpèges cristallins, sur des changements rythmiques et des mélodies sucrées à tomber. Words c'est aussi un nouveau morceau de Twin pricks, que l'on connaissait déjà par vidéos interposés, à strasbourg dans le tramway comme ailleurs j'imagine, ou alors sur scène pour ceux qui les ont vu, mais encore dans votre jardin. Un joli morceau qui laisse la part belle à la voix de Dr Geo, sur une boite à rythmes rappelant a better view, et encore une fois ce sens du tube qui cloue le bec. Des morceaux que l'on chante au bout de la première écoute, il y en a peu. Dr Geo, on le retrouve aussi en solo, et lui aussi va aussi sortir un EP dans l'année. Toujours dans cette recherche des effets, des superpositions de couches, il nous livre un morceau encore une fois à la Thom Yorke version lonesome cowboy. Côté retrouvailles, c'est aussi le retour d'Alone with king kong avec un nouveau morceau, toujours aussi évident, comme s'il chantait dans ton salon. Un spleen et une mélancolie enfantine, et des accords immédiats. Sug(r)cane et diaporama sont aussi là, l'un dans la suite de son ep l'autre dans la continuation de son electronica romancée et raffinée chantée en français (j'ai plus de mal avec ce projet). Côté nouveautés, on nous introduit les skans, les jeunes strokes messins pour faire putassier mais pourtant tellement vrai. Bienvenue aussi à Ori, et son spleen à la New order première période, entre Ceremony et truth, d'une rare justesse. Bienvenue aussi à hAll, les squatteurs d'un bar messin (copyright DBY), dans un morceau non identifié, qui commence lentement en égrainant quelques arpèges pour susurrer insidieusement un malaise palpable dans une musique distordue au mélodisme outrageux. Incompréhensible et rempli de mal être, un malaise mélodique raffiné comme on pouvait retrouver sur le split de l'Austrasian Goat avec l'Acephale. Ce morceau va me hanter pendant un bon bout de temps. Niandra Lades est égal à lui même, dans une envolée lyrique habituelle du groupe qui rappelle le dernier album du chapelier fou avec une voix à la Billy Corgan, sans savoir pourquoi j'associe les deux. Pour clore la première face, RV Mell nous invite au recueillement dans une sorte de rock filmesque bourré de samples cinématographiques, et n'évite pas le rapprochement avec Microfilm, et c'est tant mieux pour eux.


L'opulence sera de rigueur aussi sur le deuxième disque, sounds, qui lui fait la part belle aux musiques électroniques de tous bords. Les chouchous de Komparce (Dog Bless you+ Mr Bios) entament la compil sur le parc, et pousse les possibilités du duo vers un nouvel horizon rempli de claviers, en livrant une douce version electronica cosmique où les mélodies se superposent sans jamais s'entrechoquer. Raffiné, tout comme le nouveau morceau de Dog Bless you beaucoup plus feutré, articulé encore autour des claviers grésillant, et d'un beat hommage à toute une frange de la scène hip hop. Quant à cette note de guitare obsédante, je jurerais savoir d'où provient le sample. On mange des briques rouges, et lui aussi nous vend du beat, comme quoi le serpent se mord la queue dans ce morceau endiablé. Je prends les paris sur la qualité du disque à venir, et je réserve mon exemplaire, sachant que le gros chien a une marge de progression ahurissante à chaque nouvelle production. God Bless you, dog. Le troisième projet des deux larrons, c'est Mr Bios donc, qui pose sa carte de visite de responsable de l'aspect lunaire de la musique de Komparce dans une sorte de version de Thriller (je vous jure, le beat) sous LSD. Sonorités sous prozac qui s'entrechoquent et s'envolent comme si Jonas Reinhardt avait le sens du rythme. Sounds c'est aussi cette mélodie bienvenue de Maxime Robin, la partie québécoise du crew qui lamine nos oreilles avec du coton dans une version épique de la musique électronique. Chez les québécois connus, on retrouve E1000 avec un morceau d'une rare intelligence, bourré de différentes parties et qui allie rythmiques déjantés à une ambiance flottante avec une rare maitrise. Du coup, on a du mal à comprendre pourquoi il s'affuble de cette grotesque étiquette dubstep sachant que sa musique n'a rien de putassier et au contraire côtoie les sphères ambiant. J'accroche moins au morceau de Brach, qui fait dans l'electro jazzy avec une ligne de basse un peu encombrante et Artaban pêche un peu sur une production surchargée qui ne rend pas grâce a son parti pris enlevé et sa richesse sonore. Mauvaise surprise en milieu de parcours sur ce délire de Monsieur Beater, prénom kurston qui nous renvoie en pleine gueule les cauchemars dancefloor du samedi soir. Niveau découvertes, on s'attardera sur deux Ovni. Tout d'abord ce morceau drone de Main de givre d'une rare beauté glaciale, rappelant les sorties Touch par la grâce atteinte par les cordes et cette boucle obsédante et minimaliste. Deuxième grande surprise, sur 14:13, possiblement le projet de l'austrasian Goat elle même qui livre une pièce chaotique et pourtant superbement orchestrée où se côtoient quantités de plans différents, entre ambiant contemplative et claviers distordus qui font copuler les doors avec sister ray. Un grand morceau de bravoure, qui en devient obsédant. Une agréable surprise en fin de disque, avec ce morceau de fracture commençant doucement pour se terminer dans une orgie shoegaze magnifiée au son épique. Mention spéciale au morceau de Fleo (c'est encore Dr Geo, j'en suis presque certain) qui triture sa guitare dans un morceau rappelant autant le Neil Young de dead man avec un reverb d'église et une mélodie de comptine pour enfant. Sûr que Ben Chasny est jaloux. On oublie pas Millimetrik, Sample book et son amourette lancinante, Dr Hood qui fait office du fou du roi dans un morceau déjanté et Jeff qui triture ses claviers sur un morceau qui a quelque chose de naïvement terrifiant.

Il y en a pour tout le monde et cette troisième édition marque d'un sceau une grande période créative pour l'une des structures les plus agréables et les plus créatives de l'hexagone. Merci. (Chez Kito Kat).

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