mercredi 1 décembre 2010

Philip Jeck - An Ark for the listener

Ce qui frappe avec les sorties de chez Touch, c'est leur immense cohérence et leur délicatesse artistique. Touch est un label comme on les aime, qui passe au peigne fin ses choix au niveau des artistes, mais aussi au niveau du son des artworks. Un objet de chez Touch est rapidement reconnaissable, et son contenu aussi. Ecueil des musiques avant gardistes et souvent composées de manière conceptuelles, Touch est à la pointe de l'avant garde ambiante. Cette fois ci, le label nous propose un objet de Philip Jeck, qui contient en fait deux différents concepts, donc deux différentes phases de création.

La première phase est An Ark for the listener, qui est une une reflexion sur un verset d'un poème de 1875 :

''With a memory that outrides

The all o water, an ark

For the listener ; for the lingerer with a love glides

Lower than death and the dark ;

A vein for the visiting of the past-prayer, pent in prison,

The-last-breath penitent spirits – the uttermost mark

Our passion-plunged giant risen,

The Christ and the father compassionate, fetched in the storm of

His strides.''

Gerard Manley Hopkins

Une ambiance purement aquatique donc, voire même apocalyptique, qui retrace une noyade en cascade. Un artwork expressément choisi pour, avec une installation présente au tate modern, mais surtout cet arrière de pochette terrifiant, photo d'une chute d'eau à Brighton qui retrace le poids des éléments déchainés.

Une grosse introduction qui permet de contextualiser ce travail de titan de Jeck sur ces différentes installations live qui lui ont permis de compiler cet ark for the listener. Un an de lives pour en arriver à extraire les sons présents sur ce disque. Un travail de romain, dans l'agencement et la justesse des sons.

La deuxième phase sont ces deux morceaux finaux, rajoutés à la fin du disque sous le nom de Coda, qui sont en fait un remix d'une suite de sons extraits d'un live et un morceau préparé pour un magazine.

L'unité, vous me direz ? Elle est bien entendu dans la musique et dans son processus créatif. Jeck crée tout à base de vieux lecteurs de musique, qu'il rachète dans des dépôts (objets bons pour la poubelle en gros) et qu'il bidouille pour en tirer toutes sortes de sons. Jeck crée des sons à base de machines et une fois que les réglages lui conviennent il superpose diverses couches, où salit une propre base sonore. Un travail de longue haleine donc, pour tirer une quelconque cohérence.

Pour cet arc de travail, les ''instruments'' utilisés sont selon Jeck : ''fidelity record-players, Casio SK1 keyboards, Sony minidisc recorders, Behringer mixers, Ibanez bass guitar, Boss delay pedal and zoom bass effects pedal''. L'univers de Jeck est sur cet ark for the listener translucide, et l'ambiant décharnée que l'on croit squelettique se transforme rapidement en trou noir musical, d'une limpidité extrème. La lourdeur du son est accentué par la chaleur des basses (notamment sur ce Thirtieth guerrier) et les mélodies organiques semblent jouées de sous une étendue d'eau. On vit la noyade des corps, à travers cette chute sonique céleste et la succession des différentes phrases musicale est d'une rare cohérence. Seul défaut de ce corps vivant : certains morceaux sont un peu courts et les bribes d'idées auraient surement gagné dans la recherche de drones plus constants. Sinon, du pain béni pour le corps, et une piqûre de rappel pour ceux qui croyaient que seule la dark ambiant permettait d'atteindre ces sphères. Avec aussi peu de moyens, on croit entendre Inade. (Touch).

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