lundi 15 novembre 2010

Journal d’un festivalier masochiste (première séquelle) par Moi.

Ce n’est guère une révélation mais le fait d’être concerné par quelque chose aide sensiblement à aiguiser l’intérêt que l’on peut avoir pour elle. Le fait d’avoir un abonnement au Forum des Images aussi… Je prends ici le parti un peu narcissique j’en conviens, de faire échos de mes curiosités et donc de mes pérégrinations du week-end. En gros je vais vous raconter ma vie quoi, mais pas comme la midinette qui pleurniche sur ses déboires sentimentaux, ni comme les Inrocks qui s’imaginent faire de l’anthropologie sociale parce qu’ils ont papoté avec quatre gamins à Châtelet.

Je vais plutôt faire le mercenaire pédé et cinéphile, celui qui gratte à tous les râteliers pour tenter de voir quelque chose de nouveau que personne d’autre ne verra et pour pas trop cher… J’aurai pu pour le coup intituler la chronique « De l’excentricité en Cinéma »… Mais ça aurait fait un peu pompeux… En route donc, bien serré dans ma veste, parapluie noir à la main, pour le Forum des Images où se déroule, du 12 au 21 novembre le festival Chéries Chéris consacré aux cinémas gays, lesbiens et trans. On est samedi, j’ai déjà raté l’ouverture du festival (ce qui a le don de mettre mes quelques cheveux sur le crane hors d’eux). C’est d’autant plus dommage qu’un film d’ouverture donne généralement le ton, la tendance générale d’un événement comme celui-ci. Il faudra se contenter de la deuxième mouture qui, si le premier film a été bon, devrait s’engager dans la même veine.

Quoi de mieux pour débuter qu’un film canadien ? Bon ok, comme ça c’est pas évident, mais bon, faut bien commencer par quelque chose. Première séance du week-end, un brin d’excitation (je ne devrais plus, quand même, ce n’est pas mon premier festival) avant d’entrer dans la salle 300 pour y voir Off World qu’on nous présente comme le petit chef d’œuvre d’un jeune réalisateur français, Mateo Guez. Et quel chef d’œuvre mes amis ! Dans une boursouflure que je n’ai que très rarement connue, Guez nous conte le voyage initiatique d’un jeune canadien d’adoption, de retour aux Philippines pour y retrouver ses racines. Ô miracle, il y retrouve son frère, un jeune prostitué gay, sa mère (dans un torrent de larmes et un élan d’instinct maternel d’une cosmicité sidérante) et puis tant qu’à faire, l’amour aussi. Guez réussit presque une performance de haut vol en faisant de chaque plan un potentiel, un espéré, un désiré plan de fin !

Et on le supplierait même d’abréger nos souffrance le plus vite possible tant la pesanteur moite de sa narration déstructurée (et parfois peu compréhensible) nous comble d’un profond ennui. Mais non, il ne recule devant rien le garçon, aucun cliché ne lui fait peur, pas même de nourrir son monstre mélodramatique d’une marmelade sentimentalisante imbuvable. Difficile de douter pourtant de la sincérité du monsieur, mais ces effets de style outranciers, cette surenchère laborieuse de chaque instant, appuyée par une musique répétitive et condescendante… Non franchement, la lamentation, la contrition, moi depuis Twilight, je peux plus quoi.

Cette encyclopédie de tout ce qui peut desservir le cinéma homo s’achève en nous lessivant jusqu’au bout. Parce que ouais, comme un bon cinéphile un peu maso, je reste dans la salle tant que le générique n’est pas fini et que la lumière ne s’est pas allumée, histoire de repérer qui est le régisseur ou de savoir si la mairie d’Issy-les-Moulineaux a participé au financement… Bon bah en plus d’apprendre que c’est papa et maman qui ont financé le film, on a la chance d’assister au plus long générique de l’histoire du cinéma… Au moins 5 minutes de blackout entrecoupé de photos de gamins qui pataugent dans les ordures de Manille. La classe le reportage photo ! Et puis merci Motorola hein, pour avoir prêté le matos… On en oublierait même que la photographie du film, ses couleurs ou ses mouvements de grue étaient superbes.

Pouah ! On enchaîne vite, on file en salle 500. On imagine que ce n’était qu’un accident et que Uncle David, film britannique coréalisé par Gary Reich, Mike Nicholls et David Hoyle (qui tient le rôle titre du film) va relever un peu le niveau. Qui dit film britannique dit comédie sur fond social, un truc comme ça, ça va forcément être un truc sympa. A un pote qui m’accompagne : « En plus y a un acteur porno gay dedans… Comment il s’appelle déjà… Ashley Ryder… Tu connais ? Moi non plus. Bon on verra bien ».

Bah… comment dire… Déjà résumons vite fait l’intrigue : un oncle (David Hoyle donc) et son neveu (Ashley Ryder) entretiennent une relation amoureuse qui va pousser le premier à accompagner le second dans une mort qu’il désire et qui doit changer le sort de l’humanité… Moi avec un pitch comme ça, je m’attends à quelque chose d’assez nihiliste, qui va chercher du côté de la post apocalypse… L’apocalypse n’aura pas lieu, et si l’éphèbe (étrangement mal monté d’ailleurs pour une pornstar, m’enfin) meurt bien après trois injections d’un produit inconnu, est bien enterré dans le sable noir d’une triste plage anglaise, on n'aura vraiment rien eu de cinématographique à se mettre sous la dent.

Le film traîne une carcasse de dialogues navrants et redondants qui nous promettent sans cesse la mort et le changement et font l’éternel même constat d’un monde à la déroute… Soit. Pas d’action, pas de péripétie, pas de direction d’acteurs (presque toujours en impro), pas de cadreur visiblement, pas de monteur professionnel, pas d’humour, personne non plus pour effacer cette perche ou l’ombre du caméraman qui entre dans le champ… Pas vraiment de cinéma quoi… Le film est d’une telle vacuité qu’on en oublie complètement la nature de la relation entre les deux personnages !

Bon, que faire, que dire… On sort de la salle, à bout de souffle, un peu amer. Avec mon pote nous nous séparons. Lui décide de rester au festival pour aller voir L.A. Zombie de Bruce LaBruce que j’ai déjà vu à l’Etrange Festival et qui relève à peine le niveau. Moi j’ai besoin d’air, d’oxygène. De rire aussi, non par cynisme ou désespoir, mais parce que c’est drôle. Direction le Nouveau Latina pour une Absurde Séance spéciale Hardcore.

21h50, juste le temps de descendre une petite bière (offerte par l’Absurde) avant de rentrer en salle pour deux films d’horreur qui vous rentrent violemment dans le bide. Comme amuse gueule, un petit Rape and Revenge made in Argentine intitulé I’ll Never Die Alone (No Moriré Sola). Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est le rape and revenge, direction La dernière maison sur la gauche de Wes Craven : de jeunes demoiselles se font enlever par des vilains machos qui les tabassent et les violent dans les bois avant qu’elles ne se vengent. C’est ça le RaR. Le scénario est le même pour I’ll Never Die Alone, sauf qu’on est dans la Pampa. Rien d’extraordinaire si ce n’est un viol d’une bonne vingtaine de minutes, tourné en quelques plans fixes… Niveau réalisation on n’est pas servi : gros plan sur un cul poilu, longs plans séquences sur des filles qui rebouchent un trou. Bref, si j’ai changé de lieu je n’ai pas l’impression que la qualité de ce que je regarde soit différente… Ce tout petit film argentin n’a en effet que peu d’intérêt si ce n’est d’émoustiller les jeunes bouffeurs de pop-corn.

La véritable attraction de la soirée, et même de la journée du coup, c’est la première française du méchamment sadique et pervers The Human Centipede. Ce film néerlandais de Tom Six, narre la folle expérience d’un chirurgien allemand, autrefois spécialiste des séparations de siamois, qui décide de réaliser un mille-pattes humain, reliant trois personnes de la bouche…à l’anus. Non je ne vous ferai pas de schéma. Oui, ça veut bien dire que lorsque le premier de la chaîne fait caca, il le fait dans la bouche du second qui le fait ensuite dans la bouche du troisième...

Enfin, enfin un peu d’humour putain de bordel de merde ! Le film annonce directement la couleur : notre psychopathe, enfermé dans sa voiture caresse en pleurnichant, une photo de ses trois chiens à qui il a fait subir le même sort. Le ton est donné, le reste n’est qu’un pur plaisir sadique, emmené par le brillantissime Dieter Laser, acteur complètement inconnu mais à la tronche qu’on n’est pas prêt d’oublier ! La salle est hilare, moi aussi d’ailleurs, je prends mon pied devant ce bonheur injurieux et cynique, s’inspirant des expériences menées par les nazis durant la seconde guerre mondiale. Le film va loin, donnant une incroyable aura à son chirurgien fou et nous confrontant à toutes ces petites peurs qui nous taraudent quand on va chez le médecin ou à l’hôpital… Et puis on est bien heureux de les voir, ces deux pouffes, tomber grossièrement dans le panneau et se faire coudre le bec et arracher les dents. Ca sauve la soirée. La journée même… Je ne pensais jamais dire ça mais, comme on dit chez Drucker, vivement dimanche...

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