lundi 11 octobre 2010

TRICKY-Mixed race


Pour une fois, l’énorme webzine anglo saxon qui fait la pluie et le beau temps et qui porte le même nom qu’un ep de Clutch, pour ne pas le nommer, n’a pas tort : il est dur, très dur même d’être un admirateur de Tricky en 2010. Car, en effet, le kid sait exactement ce qui marche dans sa musique aujourd’hui, dans le sens qualitatif, et s’acharne à réaliser des morceaux dans ce qu’il n’est que médiocrement capable d’exécuter. Aussi, si Tricky est aujourd’hui plus une sorte de souvenir lointain pour lequel on a un peu d’indulgence depuis 99 (la même qui fait que chaque sortie voit son lot de chroniques positives, et je ne m’exclus pas du lot), les coups de génie se font rare dans cette terre aride que l’on appelle « discographie d’Adrian Thaws ». Un soupçon d’honnêteté nous fera sauver, quelques morceaux de blowback, quelques secondes de Vulnerable, et une bonne moitié des morceaux de Knowle West Boy, l’album logique du retour. Avec un coup de chance, ce Mixed Race est une fin de cycle, comme Juxtapoze clôturait le précédent. Un indice? non, une idée, comme ça, en se basant sur le fait que Juxtapoze était un album de feignasse totale, avec ses 30 pauvres minutes, venant clôturer un triptyque qui 12 ans plus tard laisse encore des traces dans les oreilles des profanes. Oui, Mixed Race fait moins de 30 minutes. Alors comment affirmer qu’il sait exactement ce qui marche? parce que Tricky s’acharne, sur scène, à ne pas reproduire ses derniers disques, mais plutôt à offrir des relectures de ses morceaux, si possible des plus vieux, et même des plus récents, en les défigurant, ne laissant qu’un squelette méconnaissable et torturé par sa fascination pour le blues et le bruit (exception faite de la tournée de 2003 ressemblant plus à un mauvais pop-tour). (d’ailleurs, comment prendre au sérieux les déclarations du monsieur qui affirme que Blowback est son meilleur album alors qu’il n’en joue qu’un morceau, une reprise, en live ?). Tricky revendique de ne pas s'impliquer vraiment dans ses disques, et cela s'entend.

Bref, de quoi est fait ce Mixed Race ? La bonne nouvelle, et on le sait depuis Knowle West Boy, c’est que Mr Thaws sait à nouveau produire sa musique, qu’il sait faire sonner une batterie, qu’il sait imposer une basse qui va dans les basses, et donner un peu de relief. Le plastique fondu de Vulnerable ne laissait pas ceci pour évident. Pour ne pas changer, Thaws se panne quand il tente une reprise qui ressemble à ce qu’a pu faire de pire Daft Punk, mais relève la barre avec un reggae plutôt sympathique et bien accompli. Le troisième morceau fait presque croire au miracle: une batterie pas si évidente, et un climat brumeux se pointe, mais l'essai est bien court et le soin du tout donne l'impression d'un nearly god hyperglycémique. Il y a même un passage presque dance, avant un grime boiteux final qui est presque là bienvenue.

En fait, Tricky me semble aujourd'hui incarner une sorte d'entité musicale qui ravit les programmateurs radios, fiers de proposer autre chose que Raphaël, qui se sentent mélomanes, et qui trouve son public chez la ménagère de moins de 50 ans. Vous vous rappelez, vous, les trentenaires, de vos parents quand vous étiez gamin? Ils écoutaient un peu les Pink Floyd, un peu Genesis, ce genre de trucs, mais plus parce que c'était de l'acquis culturel qu'autre chose. Un jour, Genesis a été un bon groupe. Et le succès commercial enterra le succès d'estime. Quand vous regardiez Casimir, votre mère écoutait Phil Collins chanter Mama. Les enfants regardent Dora pendant que maman écoute Tricky chanter Murder Weapon.

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